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Felicità, amore, una vita insomma

*le bonheur, l'amour, une vie en somme

 

Qu'aurait été, sans toi, ma vie,

futile et insignifiante ?

Je ne sais pas, l'Amour  a effacé la réponse.

Vincenzo Capuana (Love is Love)

 

Il avait entre les mains sa dernière lettre,

il n'osait pas l'ouvrir, ému, comme à chaque fois,

il se disait que c'était trop beau

que ce n'était qu'un rêve

qu'il allait se réveiller

qu'il ne resterait que des confetti de papiers qui s'envoleraient vers le ciel

rejoindre les étoiles,

ses yeux étaient embués, même plus, à l'intérieur,

il n'osait pas le montrer,

il n'osait pas montrer ses sentiments

il n'osait pas montrer qu'il était heureux

mais que ce grand bonheur

le rendait malheureux

malheureux car elle n'était pas là

à côté de lui, sa main dans sa main.

 

Il aurait aimé sentir la douceur de ses cheveux

la douceur de sa peau lisse et diaphane

la douceur de sa voix murmurant à son oreille

la douceur de ses lèvres se posant tel un papillon sur ses paupières

puis sur son nez, puis de nouveau sa bouche et ses joues et revenir

se blottir dans le creux de son cou, avant de recommencer

à se poser sur son visage.

 

A chaque nouvelle lettre  il craignait que ce soit la dernière.

L'enveloppe dans les mains, il la posait sur son coeur puis la glissait

dans sa poche, la ressortait, la humait pour retrouver son parfum

ne serait-ce qu'un souvenir charnel de parfum.

 

Il aimait également l'odeur de l'encre. Elle était unique cette encre qu'elle faisait venir d'au delà des océans et des rivières lointaines,

une encre de calligraphe pour faire de jolis pleins et de fins déliés à ses mots d'amour.

Parfois, elle lui envoyait un colis, emballé d'un gros papier kraft, fermé par une longue ficelle. Elle y mettait des sucreries, des petits jouets lumineux qui scintilleraient le soir dans sa chambre une fois la nuit descendue des collines voisines.

Une fois, elle lui avait envoyé un énorme serpent en peluche vert anis zébré d'éclairs noirs. Il avait une drôle de  tête, de sa gueule pendait une langue rouge vermillon. Autour du cou, elle avait noué un petit foulard qu'elle avait aspergé de son parfum.

Elle l'imaginait ainsi s'y blottir et s'endormir avec.

Elle avait écrit un peu mot : "mon nom est Kaa - buon onomastico - ti amo".

 

Il l'aimait comme un fou, jusqu'à la racine des cheveux,

elle était sa fée, sa princesse, son autre moi.

il l'aimait pour la vie et il ne voulait ni la perdre ni la partager.

 

A leurs yeux pourtant, elle n'était pas l'épouse idéale,

ses parents étaient vieux jeu,

il ne devait épouser qu'une fille de sa ville,

or, sa douce aimée, habitait une capitale étrangère,

c'était décidément pire,

elle ne parlait pas leur langue, se maquillait, fumait, buvait un verre de vin à l'occasion.

Le vin et les vendanges faisaient partie de l'héritage de son grand-père bourguignon

qui cultivait ses vignes dans son grand jardin de la banlieue parisienne.

 

Voilà bien ce qui détruit, le refus de faire confiance à l'autre,

l'absence d'empathie,

le sentiment que l'on a toujours raison

sans chercher le bonheur de l'autre.

Jamais leurs parents n'avaient envisagé que leur histoire puisse être sérieuse et durable.

une frontière est une frontière aussi européenne et  mitoyenne soit elle…

il ne faut jamais l'oublier.

Ils avaient connu les préjugés, le poids de l'église catholique, et ce qui se fait et ne se fait pas.

Eux s'en fichaient, ils s'aimaient, le bonheur se lisait dans leurs yeux, dans leurs gestes, dans leurs tendresses quand ils se retrouvaient si rarement.

Les proches de coeur les soutenaient par leurs messages bouleversants et encourageants.

Suite à quoi, il avait choisi, un matin d'été, valise rouge remplie, peu de lires en poche, de partir en train, et en stop pour la retrouver. Jamais il n'était revenu habiter son pays.

 

Ils sont toujours mariés, ils ont un fils.

Les tensions sont plus vives, les années ont arrondi leurs tailles et blanchi leurs cheveux, ils ne se tiennent plus par la main mais ils affrontent les affres du temps ensemble. D'une autre façon, ils regardent toujours dans la même direction, une autre direction, la vie est si courte, il faut la croquer à pleine dents jour après jour, la savourer, à moins de vingt ans ou à soixante dix ans.

La vie est belle, c' est leur goût du bonheur.

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Et "le secret du bonheur est la liberté… Et le secret de la liberté est le courage"  Thucydides
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4e prix du 11e concours d'écriture
Gens du Monde 2019
thème : le goût du bonheur.
8e participation
8e fois récompensée.
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palmarès du 11e appel

palmarès du 11e appel

une enveloppe comme des centaines d'autres toujours rangées dans une grande boîte.
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Tag(s) : #2019, #11e appel à écriture, #Love is Love, #concours, #italie
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