tantine
TANTINE
Quel joli mot, pas pour le mot, un peu désuet, un peu puéril, mais pour son sens, pour la signification que je lui en donne
Il vient de m’arriver dans un mail ce matin.
- "Quelle est la première chose que vous faîtes les matin en vous réveillant ??
« the question «
- j’ouvre les yeux et aussitôt je me jette sur mes mails.
Je vire les offres, les promos : thalasso, fringues, chaussures, week-end pour deux sous, encore un peu et on te donnerait un chèque pour aller à Djerba ! Dans mon cas c’est un peu çà … Djerba…il me faudrait un chèque pour y retourner.
Puis je m’arrête sur les vrais mails ceux du cœur. Les nouvelles des uns des autres, leurs bonheurs, leurs chagrins, leurs espoirs, leurs vacances, la voiture en panne, la tarte aux pommes, les mômes, les animaux, le temps, tic tac, le temps qui passe. La vie que la vie, belle ou moche, selon les jours.
Ce matin, ah oui, les lunettes c’est après que je les mets, je distingue vaguement une adresse mail. Je chausse vite fait cet objet indispensable : les lunettes.
Quand tu es petit tu ne comprends pas quand ta mamie te dit « pas les lunettes ». Maintenant, je comprends, sans elles, c’est le brouillard et puis au prix scandaleux auquel elles te reviennent, t’as intérêt à faire gaffe !! C’est pourquoi, je n’ai aucune vergogne à me faire des petits plaisirs comme le changement de mobile dès que possible. Le prix de mes lunettes est l’étalon de mes loisirs. Jolie compensation, j’en conviens. Ce matin, c’est mon Iphone4 qui me délivre mes mails. Son premier matin. Je le couve du regard.
Je suis comme une gamine devant sa nouvelle Barbie. Pleins d’alibis pour ne rien faire. Choisir, charger, tester les applications et les jeux c’est beaucoup de temps. Mais du plaisir aussi. Des fois, oui, des fois, je téléphone avec !
Je suis partie bien loin de ma tantine.
J’ai l’esprit d’escalier. Je m’épuise toute seule, mais comme personne ne m’écoute, tout va bien.
Tantine disais-je un joli mot glissé dans le mail de Noémie. Un de ces mots doux à l’oreille. En vrai, nous ne sommes que cousines, et selon l’expression « petites cousines». Ou pas, je ne sais pas exactement. Noémie est la fille de ma cousine germaine. Rien à voir avec la tante Germaine, qui était notre tante, sœur de nos mères. Ouf ! Je vais chercher. Il me semble que ces classifications ne veulent pas dire grand chose. Qu’importe il y a du sang commun.
Et tantine me fait penser qu’il y a des mots qui ne me seront jamais destinés : ta sœur, ton frère, ton neveu, ta nièce… Nous sommes enfants uniques, enfin restés uniques, histoires étranges jamais élucidées.
J’aurais du avoir un demi-frère ou sœur. Je n’ai rien compris, ce n’est peut-être pas vrai !
Lui, il a eu un demi-frère, décédé, un peu bizarrement. C’était avant nous dans les deux cas.
Ces mots me manquent. Comme papa, maman, mémé, pépé que je ne peux plus prononcer, ni parrain, ni marraine.
Ils ne sont plus que des souvenirs dans ma tête. Je ne peux plus leur dire que je les aime. Le Père Lachaise est un endroit très touristique mais bien froid quand même. Mes grands parents sont ailleurs. François et Fernande sont à Draveil. Alexandre et Marie à La Trimouille.
Heureusement, il me reste des oncles, non ? Un oncle. Cramponne toi tonton. Et des tantes. Peu, Des dames âgées parfois avec la tête un peu partie.
Il me reste aussi des cousins. Une cousinade est prévue. 40 ans en moyenne que nous ne nous sommes pas revus, sauf fugitivement pour les obsèques des parents. Pas tous. Pas toujours.
J’en veux un peu à ma famille d’avoir oublié maman le jour de ses obsèques.
Tous tes souvenirs s’envolent, t’échappent et reviennent en grandes bouffées de nostalgie.
En vidant ma maison je le ressens douloureusement puisque beaucoup de souvenirs de mes parents et grands parents y sont entassés. Il ne va bientôt rester qu’un gros tas de cendres.
Il est là-bas, il fait ce sale boulot. Il brûle les meubles, les souvenirs, tout ce qui peut me faire mal, et que je n’aurais pas le courage de regarder brûler sans avoir les yeux rouges. Je dirais que c’est la chaleur du brasier mais je saurais que ce n’est pas l’incandescence du feu qui me met les larmes aux yeux. La chambre à coucher de mes parents ne doit plus exister. La même pendant toute une vie. Papa y a reposé mort. Après je ne l'ai plus supportée mais maman l'a conservée jusqu'au bout.
Tantine, tantine, tantine, continue à m’appeler tantine c’est vers ta jeunesse, grâce à elle que je vais continuer à marcher, à avancer, à me tenir debout.
Et puis, surtout lorsque j’entends, rarement mais toujours avec émotion : « maman » je craque même si c’est pour me demander où est l’huile, ou si je peux porter ton costume au pressing !!
Et qui sait si un jour je n’aurai pas la joie d’entendre un tout petit me dire « mamie » !!!