post-partum
Je suis dans cet état, où tout va bien, où tout devrait aller bien, mais non c’est plus fort que moi, ma nature dépressive prend le dessus insidieusement. Une forme d’anhédonisme m’a rattrapée.
La tête farcie de tant de jolies choses, de jolis moments, je devrais exulter. Je raconte. Mais, comment raconter à quelqu’un qui n’était pas là, qui n’a pas été convié à cette aventure ? La pudeur existe. Et puis, tout ce que j’ai retrouvé est gris, la maison, le ciel, les jours, le quotidien…
Je savais qu’il me faudrait du temps. Il en faudra beaucoup. Je n’arrive pas à reprendre un rythme cohérent. Je me replie sur mon nombril et mes souvenirs. Je ne peux plus accuser le jetlag. C’était pratique, c’est indécent maintenant.
Je me revois après mon accouchement. Tellement heureuse, trop sans doute. L’attente, les problèmes, les espoirs, les rêves avaient été si nombreux que la délivrance, pourtant tellement désirée, m’avait laissé démunie.
Le résultat de mes luttes, l’objet unique de mes désirs, près de moi ne suffisait pas. La peur s’installa. Mal faire, passer à côté. Ne pas lui donner le meilleur.
Et vlan, vingt-six ans, plus tard, puisqu’il y a eu les vingt-six ans pendant ce voyage, je revis la même chose, les années en plus qui ont changé le cours de ma réflexion.
Je ne sais pas comment exprimer ce sentiment violent.
Des barrières sont tombées, des prises de conscience se font fait jour. J’y suis mêlée. Il y a des conversations que l’on ne peut pas éluder. J’ai un énorme poids sur les épaules.
Un tsunami a traversé nos vies. Pas d’ambiguïté bien entendu, mais une vraie demande. Décidément, non ce voyage n’était pas comme les autres. Les conséquences sont là, évidentes, visibles, les lignes ont bougé. Elles me ravissent et en même temps m’inquiètent. La fragilité, l’immaturité, je m’en sens responsable, mais pas que moi, d’autres devraient ouvrir les yeux au lieu de les fermer à tout par impossibilité de communion, de communication.
Je savais, avant de partir, qu’il se passerait quelque chose, malgré moi. Les saveurs ne sont plus les mêmes. Ma vision de la vie a une nouvelle fois basculée. Que vais-je en faire ? Je suis comme la mouche qui n’arrête pas de venir se buter sur ma jambe, repart, et revient, ne sachant vers quelle direction aller pour retrouver le chemin de la liberté, l’air libre de la vie. Les herbes folles s’en donnent à cœur joie, les pauvres pensées, pas plus grosses que des violettes, me tendent leurs pétales. Elles ne m’intéressent pas. Oh, je n’ose pas parler d’elle… objet de ma passion avant. Mon regard sur elle a changé aussi. Je ne sais qu’en penser !
Je me retrouve dans un autre schéma que je n’ai pas voulu. Comment vais-je m’en sortir ? Il me reste la fuite. Pas prête, lâche comme d’habitude, ou est-ce autre chose ?