mort sur Facebook
Je l’ai déjà dit, je me méfie de Facebook, de ce grand fatras universel où tout se télescope, se bouscule, où le pire côtoie le meilleur, la joie, les rigolades, les délires. Où la beauté, la laideur, le drame ne se distinguent même plus.
C’est arrivé. Je vois mon fils s’approcher de moi, ailleurs, ce n’était pas que la canicule qui pourtant nous martyrisait le corps et affaiblissait nos capacités neuronales, c’est sur !
Non, il était touché, atteint au plus profond de lui même.
Facebook, oui Facebook …
Il venait d’apprendre en ligne, brutalement, le suicide d’un de ses copains de collège. Ce n’était pas son « premier cercle » mais un copain depuis une douzaine d’années. Les bêtises au collège, et puis un ami sur Facebook. Je ne sais pas s’ils se voyaient, mais, ils s’écrivaient, ils déliraient.
A vingt cinq ans, un suicide. Monde cruel où nos jeunes sont en danger. Une mort violente. Un choix de mort. J’en ai croisé d’autres des jeunes qui ne supportaient plus leur vie. A qui personne n’a pu apporter les mots, les gestes, le moindre signe qui aurait pu faire changer le cours de leur vie. Destin, leur destin.
Je n’ai qu’un vague souvenir de ce jeune homme. Un nom dont je me souviens, et puis son visage sur une photo de classe. C’était au Collège Sainte Clotilde à Paris.
Je pense à ses parents, à leur douleur. Leur foi les aidera qui sait à supporter cette séparation définitive. Je n’ai jamais vu autant de douleur que dans les yeux des parents d’enfants ayant choisi la mort. Une douleur insupportable, une douleur inextinguible, une incompréhension, une culpabilité sans objet. Le monde s’écroule plus rien ne sera pareil après. Et toi, tu ne sais pas quoi dire, quoi que tu fasses c’est tellement rien par rapport à eux. J’ai connu des décès par maladie, c’est horrible aussi mais la culpabilité n’est pas tout à fait la même.
Je pense à sa copine à qui il avait dit qu’il ne souhaitait pas la voir pendant le week-end. C’est elle qui a retrouvé Julien, il était trop tard. L’alcool et les médicaments, des fois çà rate. Pas là. Il avait trouvé le bon dosage. Il avait du préméditer son geste. Il était un peu dépressif me dit mon fils. Sa culpabilité à elle aussi. Si j’avais su… Il est trop tard, il ne reviendra plus. Son nom est encore sur Facebook.
Jeudi, ce seront ses funérailles. L’Eglise puis le Père Lachaise. J’ai une pensée pour mes parents qui y reposent. Eux c’était leur heure, encore que, mais Julien non. Ou si. Chacun son destin.
Je pense à mon fils qui vient d’être confronté à son premier choc frontal avec la mort. Jusqu’à maintenant, il avait connu des morts annoncées, il avait eu le temps de s’y préparer. Sa mamie était partie en douceur, en souffrance aussi. Il était là avec moi. Digne, triste mais réaliste.
Son premier choc d’adulte. J’ai essayé hier de lui expliquer un peu le déroulement. La tristesse des obsèques de nos jeunes. Il fallait le préparer, il m’a laissé lui expliquer. Lâche-toi si c’est ce que tu ressens, abandonne-toi à ton chagrin, n’aie pas honte, pleure si tu dois, ne pleure pas ce n’est pas grave, agis selon ton instinct, selon ton besoin. Ne porte pas de cravate noire, ce n’est pas utile. Sois toi, sois digne, accompagne ton copain. C’est tout. Achetez des fleurs si vous le souhaitez.
Je serai par la pensée avec toi jeudi. Avec sa famille aussi. La vie continue, arme-toi, ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille, mais les fleurs refleurissent au printemps. Il y a tant de jolies choses à vivre. Profite des petits moments. Sois heureux.