Californie
Décidément, le dimanche est un jour différent. Aujourd’hui encore j’en mesure son impact sur mon mental.
Est-ce mon cerveau limbique qui, inconsciemment, me replonge dans les dimanches de mon enfance, de mon passé. Les passages obligés des déjeuners en famille. La jolie robe au col Claudine bien rigide en rhodoïd qui m’enserrait le cou comme un carcan.
Je ne sais pas.
Une nostalgie latente, patente. Quelle curieuse sensation !
J’ai pourtant cassé les codes. J’ai toujours profité de mes dimanches pour ne pas faire d’efforts, enfin ce que je croyais être une rébellion et qui peut-être ne l’était pas !!
À l’instant, un mail arrive. Je réponds : «je suis contente, je suis contente, je suis contente». Rien d’autre à ajouter. Je suis heureuse.
Deux minutes plus tôt, j’étais complètement en vrac, je vais mieux, mon dimanche va retrouver une jolie couleur. Pourtant ce mail, n’avait rien à voir avec mes pensées profondes.
Je connais l’origine de mon émoi. Je me suis mise dedans toute seule ! Il fallait que je sache ! que j’appuie sur un point plus qu’important pour moi.
Je me suis mise à visionner le reportage sur la Californie, vue du ciel, proposé par Thalassa.
La Californie du nord au sud, du pont de San Francisco à Los Angeles. Un état des États unis, rien de plus. Aucun autre état n’aurait pu me mettre dans cet état de panique.
J’ai traversé l’Atlantique, mais jamais les USA. Trop grand. Trop de choix.
Et puis mon fils y a fini ses études. San Francisco. Le choc. Le coup de foudre. Le mal-être en rentrant. L’espoir ténu d’y retourner pour longtemps, pour toujours.
Le vertige pour moi. La crainte de l’abandon.
Je comprends en voyant ce reportage, enfin un nouveau reportage. Pourquoi me suis-je infligé ce spectacle magnifique et effrayant par le seul fait «que peut-être» il pourrait m’enlever mon fils pour toujours. Je n’ai rien à dire. Je n’ai rien à revendiquer. Il ne se passera peut-être jamais rien. Et puis 500 mètres ou 10.000 kilomètres, l’éloignement peut-être aussi terrible.
500 mètres, une illusion, je me dis, qu’en une foulée tu peux le retrouver. La Californie c’est 11 heures d’avion. Tu ne prends pas l’avion comme le métro. J’ai peur. C’est stupide. Les images défilent. Les paysages sont beaux. «Les gens ne font pas la gueule». La Silicon Valley est là. Il en a toujours rêvé. Je n’oublie pas que son copain d’enfance y est resté. Sa mère commence des voyages un peu style navette. Je sais, c’est faisable. Je suis un peu triste de ne pas avoir pu y aller quand il y vivait. Je regrette, aussi, qu’au moment de cliquer pour réserver les billets il ait tout interrompu. C’est mieux ainsi. C’est juste lui qui m’avait sollicitée et j’étais prête. Il voulait me montrer sa Californie. Je ne l’ai pas vue. Je n’ai pas envie d’y aller seule. Aucun intérêt. L’avion n’est pas trop mon trip. Plus maintenant.
Les plages de Big Sur défilent. Un incendie sur L.A. Il y a aussi une part de rêve, je suis plus pragmatique.
Mon Dieu, je ne veux pas penser qu’il puisse prendre sa valise et s’y installer. Je ne serai pas la première. Il me l’a dit un jour. «Papa a bien quitté son pays». Oui, il a raison….. Mais bon personne ne peut m’empêcher de penser à cette éventualité. Justement parce que j’ai vu ce que pouvait être la douleur de ma belle mère lors de ses trop courtes et trop rares visites. Nous avons de la chance, le «chat», les mails, les webcams, skype, l’époque des télégrammes est bien révolue, je sais……
Le reportage est terminé. C’était beau. Je n’ai rien à ajouter. Mon œil n’était pas celui d’un simple curieux. Je le vois tous les jours, je sais, qu’il n’est pas très heureux, je sais qu’il serait mieux overseas, je ne dis rien. Sa vie n’est pas la mienne. Mais personne ne peut m’empêcher d’avoir un moment d’émotion. Il n’a pas renoncé. Alors, j’attends. Ou plutôt non, je vis ma vie et c’est déjà très compliqué.