il a morflé,
C’est le moins que l’on puisse dire !
Une vraie gueule cassée
Spécimen moche et oublié comme les créatures des abysses,
blobfish, grandgousier ou rhinochimaeridae au choix !
Sans lumière et sans espoir
De la voir un jour.
Il ne dit rien
Il se prend pour un cachalot
Il pense qu’il est échoué
Pour avoir nagé à contre-courant
Pour avoir voulu éviter les horribles monstres de fer
Style container
Remplis de choses sans valeur
Sans âme à l'avenir éphémère
Dont le destin sera le plus souvent le fond d’une poubelle.
Pourtant je lui trouve un œil assez vif,
D’ailleurs il n’y a que cela pour lui donner un soupçon de vie.
Pourtant c’est sûr il est bien mort
Mais n'a-t-il jamais été vivant ?
Et comment a-t-il atterri ici ?
Personne ne le sait
Les enfants le prennent pour un cheval
Et montent dessus caracolant vers des ailleurs oniriques
D’où les adultes sont exclus.
Ils l’appellent le cavalier noir
Celui qui vient de nulle part.
Les chiens le renifle
Et parfois impudemment lève la patte
Les autres s’en moquent
On n'entend jamais :
"Fais attention, regarde devant toi"
Car on le voit de loin
Il ne passe pas inaperçu.
Passer est un grand mot
Il est là échoué sur la plage
Personne ne sait depuis quand
Personne ne sait pourquoi.
Une seule chose est sûre il ne laisse pas indifférent
Au même titre que la petite sirène de Copenhague
Au même titre qu’un phare au bout de la jetée
ou le Sólfar* de Reykjavik.
Certains l’appellent tout simplement le "cachalot",
Alors bonjour cachalot
Toi à la tête et au corps de pierre
qui brille comme de l'onyx,
Demain je reviendrai voir si tu es toujours là…
Je crois que je connais déjà la réponse.
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nb. * Le Voyageur du Soleil, ou Sólfar de Jón Gunnar Árnason
photo de couverture : DR crédit Josiane Michelet-T.