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Publié par la tortue à plumes

 
Le fracas assourdissant du train est de plus en plus proche.
Le garde-barrière sort de sa petite maison.
Une joyeuse odeur de poireaux, de carottes envahit fugacement l'espace. 
La femme est en train de faire cuire la soupe pour le diner. 
Après il retournera dans son petit jardin s'occuper des légumes.
Elle l'accompagnera pour cueillir les fruits juteux du verger.
 
Pour l'instant, place à son métier.
D'abord la cloche pour avertir avant de baisser le passage à niveau. Le cliquetis des barrières et le grincement de la grosse manivelle sont des murmures comparés au bruit de la locomotive et sa caravane de wagons qui s'approchent.
 
Les passants prudents s'arrêtent de chaque côté du passage à niveau. 
La vie est suspendue pour quelques minutes. La ville est coupée en deux. 
Les enfants posent leurs cerceaux à leurs pieds. 
La charrette du laitier s'immobilise, les chevaux baissent les oreilles par habitude.
Les femmes aux longs jupons noirs et aux jabots blancs appellent les chiens qui, sans liens, continuent à se courir après, indifférents au tumulte.
 
Tout se fige. Les escarbilles se font de plus en plus pressantes. 
L'énorme machine arrive, tout tremble autour d'elle. 
Les petites filles mettent leurs mains sur les oreilles pour les protéger. 
La bête est passée. Tout redevient calme. Le prochain train est annoncé pour 14 h 12. De nouveau, la vie s'arrêtera pour quelques minutes avant de reprendre son cours.
C'était il y a si longtemps. Un autre siècle, une autre vie. 
Il reste les rails. Un immense projet s'est installé et la nature a repris ses droits. 
Les musaraignes font leurs nids, les hérissons viennent se réfugier. Les oiseaux aux chants légers et gracieux ont remplacé le fracas des trains. 
 
Les aiguillages guident mes pas. La ville n'est plus coupée en deux.
Le garde-barrière n'est plus là. La petite maison me fait toujours rêver. 
Les voitures, sans se soucier de ce passé, circulent dans l'avenue Félix Faure. 
Et moi je flâne au rythme des saisons. 
Le printemps est revenu, les petites feuilles vertes pointent leur nez, les premières fleurs aussi. 
Les enfants s'en donnent à cœur joie. Ils ont troqué les cerceaux pour des jolis vélos de couleur. 
Les joggeurs, en sueur, courent vers leurs performances. 
Le passage à niveau a disparu, la passerelle aussi. 
De larges aires de jeux sont offertes aux enfants. Le soleil brille. Il n'y a plus d'escarbilles. Que des rires, de la joie, la nature, la liberté, loin de tout et pourtant non, la ville est là, bruissante, à deux pas de l'autre côté du talus.
 
Havre de paix, refuge pour la faune, la flore, un microcosme idéal. Que rêver de mieux pour la flânerie.
Le poète est roi dans cette coulée verte qui sinue, s'insinue, se coule, se faufile entre les bruits de la ville, les voitures et les maisons voisines.  
C’est le printemps, bientôt le parfum du chèvrefeuille emplira mes poumons en les gonflant de plaisir. 
La coulée verte c'est du sucre, du miel, de la douceur, de la chaleur, du bonheur.
Un bonheur simple comme respirer. 
Il fallait penser à réconcilier la rigueur, la froideur du métal et la douceur du vert, et la souplesse des branches qui se plient sous la brise. Les nichoirs se balancent doucement au vent. 
 
Tendrement, doucement, je m'approche. Déjà, savourer du pont la perspective qui s'enfonce vers là-bas, loin là-bas, le petit sentier qui chemine, les potelets qui délimitent le parcours. Puis descendre le grand escalier de fer, se fondre dans la nature, prendre l'embranchement à droite, suivre l'autre voie, puis comme par magie, changer d'aiguillage, dépasser le wagon rouge, imaginer la vie d'avant. 
Continuer le chemin, la passerelle a disparu, plus loin, près des rails, il y a maintenant un chalet, un grand chalet au bois blond et chaud. 
Des enfants viennent apprendre la nature. 
Le curieux remarque des niches intrigantes comme incrustées dans les cloisons de bois. Là, la pipistrelle peut venir se cacher, dormir et se reposer. À côté deux petites niches rondes et grises attendent les hirondelles. Avant, elles faisaient le printemps. Elles sont de moins en moins nombreuses. Guetter, espérer leur retour, attendre la nidification.
Sur le côté ; le règne des osmies, je les ai vues, juste au bout de mon nez, prêtes à me caresser. Pacifiques, libres, indépendantes, pas d'essaims pour ces abeilles solitaires, juste des petits tubes comme des éprouvettes, et puis se retrouver, voler, voleter, se féconder pour que l'espèce perdure.
 
C'est le printemps, elles sortent, de leurs tubes en un ballet gracile, dans une totale liberté, en osmose avec les oiseaux, et la petite faune du sol qui se cache dans les tas de bois. 
J'aime cette proximité, cette fusion de la faune, de la flore où l'humain peut profiter de toutes ces richesses sans cesse en mouvement, en évolution. Les espèces disparues reviennent. Une victoire pour ce si beau projet écologique.
Je me fais toute petite. J'essaie de faire le moins de bruit possible, je remonte l'escalier, les oreilles bourdonnantes du chant de la mésange et de la fauvette. 
C'est sûr demain je reviendrai. Mes poumons se gonfleront de nouveau, j'aurai le nez au vent, prête à partager quelques instants avec le petit peuple de la Coulée Verte.
Qu'elle est belle la nature !
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photos ERC/DRphotos ERC/DR
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