sur la vague de ma vie
Le flux et le reflux de la mer qui s'échoue sur le sable,
le battement de mon coeur,
ressenti dans la mer justement
cette eau mariée indéfectiblement à la lune
cette eau toujours la même et toujours différente
cette eau bleue, émeraude, grise ou noire
cette eau calme comme le placenta où le bébé construit sa future vie
cette eau déchaînée par les tempêtes
J'aime profondément la mer
peut-être trop pour y nager
juste y poser mes pieds
la caresser et marcher sur son ourlet d'écume
mètre après mètre
jusqu'au moment où la fatigue est trop forte
et me laisser tomber
et m'endormir dans son sable
en guise de doudou.
Et puis, cette envie de crier, de pleurer, de rire,
qui me prend et que je retiens
si je ne suis pas seule.
Cette envie de m'y engloutir, de m'y enfoncer
de flotter et de ne plus bouger.
Elle est comme le corps après une transfusion sanguine,
elle digère, elle assimile quand le sang extérieur devient ton sang
et ce sang t'a sauvé
était ce utile qu'il te sauve ?
ce sang de taulards
à l'arrivée d'une foutue maladie
sournoisement transmise
par notre frère le chimpanzé
combien d'angoisses
quel dégoût de mon corps
qui n'a pas aimé
qui sentait le danger
et qui m'en a fait voir de toutes les couleurs,
heureusement épargnée.
Cette foutue maladie nous a privé de tant d'êtres admirés.
La mer ne brûle pas où métaphoriquement
elle ne peut pas être submergée,
engloutie peut-être !
évaporée,
vider la mer et pourquoi faire ?!
...pour mourir
l'idée est amusante,
vite allons chercher une cuillère à café pour essayer !
la terre tourne et elle brûle, elle détruit,
la terre est mal traitée
mal aimée par des milliards d'individus, dont je suis
la terre et la mer ne font qu'un
drôle d'univers
curieux attelage.
Elle me fascine
comme les nuages qui lui répondent du haut de leur ciel
camaïeu de bleus
comme les bleus et les blancs
la puissance et la légèreté
l'écume, la fougue, la fureur ou le calme
d'une oeuvre d'Hokusai qui me fait tant vibrer.
Le ciel n'est jamais vert
ce serait beau si beau,
des nuages émeraude se reflétant dans l'eau.
Face à la mer l'humilité s'impose
c'est elle qui décide ;
te prendre et ne rendre qu'une dépouille.
Le sable, les rochers, les falaises,
elle n'en a cure,
elle joue avec acharnement,
éroder, user jusqu' à façonner de nouveaux paysages,
elle a cette vigueur que n'a pas la montagne
plantée là comme un arbre de noël au milieu du salon.
La mer est le plus grand cimetière du monde,
les poissons y trépassent, les bateaux, les imprudents,
les malchanceux, les désespérés,
dommage qu'elle ne sache pas encore éradiquer les méduses,
si belles et pourtant.
Des signes de faiblesses se font jour,
un océan de plastique est en train de se créer
elle ne sait pas lutter.
Mes amies-soeurs,
les tortues en paient un lourd tribut.
Les barrières de corail se meurent,
c'est si beau le corail et son fabuleux biotope
éclatant de couleurs,
de vie, de douceur,
de bonheur estival et de souvenirs lointains.
Morbidité native ou profond respect
j'ai vécu peu de communions aussi fortes
qu'en arpentant les plages du débarquement
le prix à payer a été lourd très lourd.
la mer nous a sauvé.
les soldats ont péri par milliers.
Sentir sous mes pas ces grains de sable
sont une ode à la vie
je sais que je marche sur le passé
sur des moments d'horreur
et d'espoir mélangés
comme le sang de ces hommes
dont le sang versé s'est mélangé
à une Manche apaisée pour le débarquement.
Sous mes pas, ils sont là,
je marche sur leurs traces,
les corps ont disparu dissous par la mer
il reste, mêlés au sable, des fragments métalliques
la bataille a fait rage.
Omaha Beach
ma plus forte émotion.
Une façon de penser aux soldats engagés
morts pour la patrie,
façon de penser à mon héros
François, mon grand-père
revenu des tranchées de la guerre d'avant ;
la première
prions que la troisième n'arrive jamais.
Médailles dans mes tiroirs,
fière, si fière de lui
de sa Légion d'Honneur
conservée précieusement
qu'il avait plus que mérité.
j'aurais tant à dire sur cette médaille.
François de génération en génération
mon deuxième prénom
le troisième de mon fils.
François, comme France
le France, le Normandie
géographie, paquebots,
tout se mêle
vision holistique du monde.
La mer n'est pas française,
elle est universelle.
mais mon Dieu qu'elle est belle
mais mon Dieu comme je l'aime.
Revenue de mes plages aimées,
je reprends mes rêveries,
sur l'air, le vent, l'eau et le feu
quatre des cinq éléments de ma vie,
allongée sur mon canapé
je peux continuer à rêver
à ma prochaine balade
les pieds dans l'eau
au bord d'un rivage
mon visage enfin apaisé et heureux.
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PS. merci à Anne Correc de m'avoir inspirée par sa puissante vague.
Photo publiée par Philippe Correc sur la page Facebook : la vague de l'amitié.
Désolée pour la qualité de l'image qui n'est qu'une copie d'écran.
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En lien avec le collectif : "la vague de l'amitié" 2018
la vague de l'amitié - La tortue à plumes
autour de la mer, en 156 pages ; 28 auteurs venus de tous les univers vous proposent leurs poèmes, fragments, nouvelles. à l'initiative de mon ami Philippe Correc, avec une préface de Gérard Ca...
https://www.latortueaplumes.com/2018/12/la-vague-de-l-amitie.html
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"J'ai déserté les crasses
qui me disaient "sois prudent"
la mer, c'est dégueulasse
les poissons baisent dedans"*
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* Paroliers : Renaud Pierre Manuel Sechan