mon jardin d'enfance
vous saviez que plaisir s'écrivait en 7 lettres ?
7 comme les jours de la semaine,
7 comme les planètes,
7 comme les animaux de l'Arche de Noë,
il n'y a pas de hasard
ou un hasard heureux
heureux : 7 lettres aussi.
Tout ceci me suffit
pour aimer plus que tout ce mot.
Le plaisir est une gourmandise égoïste qui peut se partager.
Quête permanente au bonheur, je cherche dans les moindres recoins, celui qui l'illuminera une minute ou une heure.
Prendre chaque instant comme s'il était le dernier, comme s'il était l'alpha et l'oméga de ma vie.
Le soleil qui s'insinue à travers les persiennes, me caresse le visage, tandis que la petite chienne pose sa truffe humide sur ma joue, en communion avec le soleil, et ponctue d'une léchouille appuyée son bonjour quotidien est mon premier bonheur du jour.
M'imprégner de son odeur encore chaude de sommeil, et sentir mon souffle apaisé. Tout ne sera pas rose, mais je gommerai les imperfections, les tracas, la pluie sur les carreaux pour que la fête ne soit pas gâchée et qu'au moment de m'endormir le sommeil me trouve détendue.
Avant de se lever, le rituel :
se souvenir des rêves qui ont surgi imprévisibles. Oublier les cauchemars. Il y en a.
Ne garder que le beau, le doux.
Il n'y a pas d'autre issue pour vivre.
L'objectif est atteint cette nuit j'ai rêvé :
respirer à plein poumons les parfums des mille roses
continuer mon chemin, oubliant mon engin,
choisir une jeune tomate qui aurait voulu grossir
et l'avaler d'une traite
respirer les giroflées, le thym, le romarin,
admirer les althéas, les grappes de raisin qui se gonflent et se gonflent
suivre un papillon, deux papillons,
ou bien la libellule aux couleurs irisées qui se penchent vers le filet d'eau pour se désaltérer
entendre les poules qui caquètent et caquètent sans fin
froisser une feuille de menthe et partir en voyage
récupérer la patinette pour ne pas me faire gronder
revenir près du puits et du grand pommier
m'asseoir sur la balançoire et ne plus penser qu'au balancement de mon corps accroché aux deux cordes, bercée par la brise d'été si rafraichissante.
Entendre, en demi-teinte, Bémol, le vieux fox terrier, aboyer après une mouche qui vient de le déranger dans ses propres rêves !
J'ai huit ans, j'ai dix ans, je ne sais plus. Peu importe.
Mémé m'appelle. Elle sort de la cuisinière à bois, le rôti de boeuf qui cuisait doucement, et les macaronis au gratin doré comme les blés dans les champs. Mes sens sont en éveil. Et surtout l'odorat. Je pique ma fourchette…
Le téléphone sonne, je dois laisser mon rêve s'envoler.
Agacée, je quitte le lit et vais répondre. Ce n'était pas important.
Puis descendre l'escalier, la petite chienne sur les talons.
Ne lâche pas la rampe, espèce de château branlant, ton corps est douloureux, l'escalier est une épreuve qu'importe !
Dans la cuisine, ton autre gourmandise du matin te fait déjà saliver :
le bol de thé m'attend… enfin dès que je l'aurai préparé ! L' Assam couleur cuivre, comme passion.
Tu me rejoins pour boire ton café, quel plaisir d'être encore deux après toutes ces années.
Je ne m'en lasse pas. Comme ma vie est belle remplie de ces menus plaisirs qui gomment ce qui doit être gommé.
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