un TGV vers la Bretagne
Nez de dauphin apeuré, le TGV quitte le quai et s'élance vers son terminus parisien.
Sens contraire, le TGV 7819, mon TGV, repart après une halte rapide en gare de Rennes.
Halte finale : Quimper et ses faïences,
pourquoi se priver des clichés ?
Encore une étape puis à la suivante je descendrai.
Auray presque une habitude. Deux fois dans la même année, cinq mois pour être précise.
L'année n'est pas finie, tout est encore possible.
Wagon numéro 7, ni chien, ni enfant, calme plat, moyenne d'âge incertaine.
Milieu de semaine réservé aux prétendus "inactifs" les retraités.
Les retraités c'est moi aussi, j'ai perdu ma fonction pour être retraitée, admettons !
Une vie antérieure balayée par ce simple mot. Une catégorie à part mais tellement dans la vie.
La prise ne marche pas, la batterie du téléphone quasi vide.
Alors écrire une xième fois un voyage en train. Sujet fascinant,
le train depuis mon enfance comme un héritage génétique qui coulerait dans mes veines ou qui serait imprimé ad vitam aeternam dans mon cerveau.
Le nez à la fenêtre je regarde les nuages qui s'étalent en une palette de gris, gris très clair proche d'un blanc sale, des gris souris,
des gris très foncés pas noir, non pas de désespoir dans le ciel,
juste des nuages qui vivent leur vie errante en traversant le ciel, tandis que le train trace son chemin à une vitesse devenue banale. Les nuages se foutent royalement du train qui passe.
Par intermittence le soleil nous salue puis décide de s'éclipser pour un moment.
L'automne est là, malgré la chaleur encore présente sur les thermomètres, une sorte d'été indien ; qui s'en plaindrait à part ma tortue qui voudrait hiberner et les fleurs qui ont besoin d'eau.
Moi, je m'en fiche un peu, quoique.
Encore beaucoup de verts, mais par plaques les ors, les rouges, les orangés gagnent du terrain. Ces couleurs sont merveilleuses.
Qui peut le nier ?
Vitres tachetées de gouttes d'eau mal séchées plus gênante que la vitesse du train.
Ici ce sont des éoliennes, mes copines mal aimées. Je leur souris.
Le train attaque une courbe et a pris de la vitesse. Je ne me sens pas très bien.
Traversée d'une rivière dont j'ignore le nom. Maintenant nous longeons le cours d'eau qui miroite avec zèle.
Le train et la rivière jouent à cache-cache, il s'élargit, se resserre, s'éloigne puis se rapproche, cela dure c'est agréable. Un coup je te vois, un coup je ne te vois plus. Rien il a disparu. Soudain dans un méandre il est là magnifique nous offrant un kaléidoscope de couleurs.
Puis, traversée de Messac, dit la plaque de la gare en passant, des bateaux sont en cale sèche pour l'hiver.
Finalement je pense que nous longeons la Vilaine tout simplement.
Les champs reprennent leur place sur le trajet, une vilaine maison jaune à l'horizon, pourtant j'aimerais la visiter, j'y découvrirais peut-être à l'intérieur des petites pépites : de jolis objets, des couleurs étonnantes, des rideaux aux fleurs printanières et pourquoi pas une cheminée qui sent bon le pain grillé et la braise chaude des bûches encore incandescentes. Ne jamais se fier à la façade.
Une odeur de café traverse mes narines. Ce n'était qu'un fantasme, coincée près de la fenêtre, je n'ai pas le courage de demander une nouvelle fois à ma voisine, de déménager son déjeuner pour me rendre au Wagon-bar.
La maison jaune est déjà loin. Le train aussi. Chaque minute me rapproche de mes amis.
Le temps du train est un autre temps qui me plaît davantage que le temps ordinaire.
Le temps des tic-tac, des horaires et des contraintes qui me stressent de plus en plus. Peur d'être en avance et d'attendre, peur panique, alors je suis en retard. Il faut toujours un dernier. C'est moi. Les autres apprécient.
Pour l'instant peu importe, mon stylo glisse sur le papier comme le train sur les rails emportant tout de moi, les joies, les rêves comme les peines.
Il me semble avoir dit tout haut : que la France est belle ! Je suis un peu chauvine. Tant pis.
Un clocher aux nombreuses ouvertures rouges attire mon regard ; comme j'aimerais connaître son nom.
Les fermes se succèdent, on est en région Bretagne. Ni menhir, ni dolmen sur le chemin. Encore un cliché.
Pas de korrigans ! ils doivent être encore très courroucés d'avoir été chassés pour un truc qui fait un bruit d'enfer, escarbilles en moins maintenant. Peut-être qu'un jour ils reviendront le long des talus.
Traversée d'un pont.
Indifférents les passagers somnolent, lisent, jouent ou dorment après leur sandwich. Moi, c'était wrap au saumon et au concombre. Merci de m'avoir demandé.
Les vaches noires et blanches ont laissé la place à leurs soeurs couleur miel.
Vannes, prochain arrêt. Un petit coup de mou me rattrape. Il est temps de récupérer un peu ma nuit pathétiquement insomniaque et "tussive".
Quand je rouvre les yeux, une forêt de peupliers défeuillés se lance à notre attaque.
Raté.
Quant à moi, je peste, il y avait longtemps ! je hurle intérieurement, en voyant ces rubans de tags disgracieux et prétentieux qui maculent la gare et les wagons, et qui n'arrivent pas, aussi colorés soient-ils, à me les faire apprécier. Rêver ou aimer seraient des mots trop forts pour les qualifier.
Avalée la gare de Redon.
Pas un salut, pas un geste, le TGV enjambe les canaux, frôle les grands feuillus. Il pleut tout est dit.
Auray mon voyage se termine. Bientôt, le soleil reviendra, mes amis m'attendront à la gare.
15h38 je descends du train.
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