Huldufólk
Notre nom est : Huldufólk*
Quel drôle de nom, c’est le nôtre et nous y tenons beaucoup, comme nous tenons beaucoup à notre style de vie, à notre rythme de vie et à nos coutumes ancestrales.
Nous sommes aimables, farceurs, nous aimons rigoler, boire du Brennivin accompagné,
de hakarl, chanter, danser et surtout courir dans la lande ou grimper le long des volcans.
Nous travaillons juste ce qu’il faut pour aller cueillir les fleurs et les herbes qui feront des bouquets ou des légumes frais pour nos repas.
Nous buvons de l’eau recueillie dans les anfractuosités des roches.
Oserai-je vous le dire, parfois nous guettons le départ d’un fermier pour lui voler un oeuf dans son poulailler. Nous y allons en expédition à quatre ou cinq pour nous relayer pour porter l’oeuf au retour. Les oeufs de poules sont si gros.
Nos femmes tricotent des pulls en laine de mouton qu’elle ramasse dans les prés, brin par brin, et qu’elles filent pendant les longues journées d’obscurité ou lorsque la neige nous empêche de sortir.
L’été, c’est la cueillette des graines, nous les disputons aux milliers d’oiseaux qui nichent pendant la migration sur notre île. Ce sont des oiseaux géants, un jour quelqu’un disait que c’était un macareux. C’est un très très gros oiseau, enfin de mon point de vue, qui fait beaucoup de bruit, qui a de grandes ailes et qui piaille à n’en plus finir. Il a un énorme bec, le ventre blanc et le dos noir. Ses pattes palmées et son gros bec sont orange comme s’ils étaient maquillés.
Un jour je m’étais aventuré en ville, j’en ai vu derrière un drôle de mur transparent. Je n’ai pas compris, aucun ne bougeait, je crois bien qu’ils étaient tous morts. Ce n’était pas une boucherie, pourtant les hommes repartaient avec un dans un sac en papier marron.
Si aujourd’hui nous avons décidé de vous parler de nous c’est que nous avons senti que vous n’étiez pas hostiles, et que vous n’aviez pas peur de nous non plus.
Au début, nous vous avons aperçu, vos gros manteaux orange qui font du bruit quand vous marchez et vos grosses godasses de marche. Le sol tremblait, on a cru, qu’un volcan était en train de se réveiller et que nous allions finir sous les éboulis, ou pire, cramés dans la lave en fusion. Oui, nous on parle comme ça. Notre vocabulaire est très limité mais chaque mot à une signification précise et nous allons toujours à l’essentiel. Nos maisons sont petites, mais nous avons tout le confort. Certains travaillent la roche, d’autres le bois.
Chez nous le bois est rare, il y a longtemps, il y avait beaucoup de forêts, mais les envahisseurs, ont coupé et tant coupé d’arbres qu’à la fin il n’en est plus resté. Maintenant un groupe de dix arbres, s’appelle : une forêt.
Mais, pour nous, une écorce, quelques feuilles ou une brindille nous suffisent pour fabriquer nos meubles ou nos lits.
Nous sommes le peuple caché* ; nous sommes les trolls (on nous traite encore de diable, mais de moins en moins souvent). On nous craint parfois parce que nous respectons la nature, les rivières, la terre, que nous faisons tout pour la protéger et que nous ne cèderons jamais. Ils commencent à nous entendre et à nous comprendre. J’ai vu il n’y a pas longtemps une route qui aurait du être rectiligne, mais qui faisait une courbe apparemment sans raison. Sans raison ? Non, juste parce qu’une famille de trolls y habite et qu’ils ont voulu les épargner. L’homme peut être raisonnable et nous, nous, aimons cela. Avant de vous saluer et de vous remercier pour l’intérêt que vous nous portez, nous qui vivons dans une cinquième saison qui vous est inconnue, je me présente, mon nom est Arnaldur.
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(texte primé) : 1er prix ex-aequo
8e appel à écriture "la cinquième saison"
de la trilogie :
le tour du monde des saisons
avec *L’émeraude des garamantes
*Un dimanche à la campagne en France
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le tour du monde des saisons acte1 - La tortue à plumes
8e appel à écriture "la cinquième saison" le tour du monde des saisons Huldufólk (texte primé) ainsi que : * L'émeraude des garamantes *Un dimanche à la campagne en France ===== "vues des an...
http://www.latortueaplumes.com/2016/04/le-tour-du-monde-des-saisons-acte1.html
«vues des anges,
les cimes des arbres
peut-être sont des racines
buvant les cieux»
Rainer Maria Rilke