la figue
une figue
pleure
deux larmes de lait
arrachées de son ventre
coulent
sur sa peau de velours
pour finir leur course
sur le marbre noir
veiné de sang blanc
froid comme sa mort
sans espoir de retour
Elle n’est qu’une figue
et alors ?
bientôt elle aura disparu
il n’en restera rien
qu’un souvenir d’été
le soleil sur sa peau
la caresse du vent
les gouttes de pluie
perlant sur son ventre
l'araignée dansant
entre deux fils de soie
Elle pleure
elle était heureuse
accrochée à son arbre,
rebondie et joyeuse
couleur de miel
couleur de soleil
couleur d’été
couleur de bonheur
tant de mois
tant d’efforts
pour être la plus belle
Les abeilles la courtisaient
Les papillons la frôlaient
Elle aurait préféré
qu’un oiseau la picore,
de son petit bec,
une mésange
un geai
un roitelet
qu’importe
plutôt que la bouche affamée
d’un humain trop stressé
à la bouche goulue
au ventre repu
gorgée de lait
gorgée de graines
elle se croyait éternelle
ronde comme une mamelle
Je l’entends qui me hurle :
vite, finissons-en
vite engloutis-moi
que je ne souffre pas
jusqu’au bout du repas
je ne suis qu’une figue
je demande respect
pour ma mère nature
qui un jour m’a créée
adieu ma vie
adieu mon figuier
j’étais la dernière
de cet été
Je sais…
une fois l’hiver passé
d’autres sœurs grandiront
pour le plaisir gourmand
de vos bouches émues
Je n'étais qu'une figue
Vous en souviendrez-vous ?
=====
Quelle sale habitude
Le texte a disparu
La figue n’en revient pas
Un moment de répit
avant de finir sa vie
Reconstituer le puzzle
Retrouver les mots
du fond de sa cervelle
une fois de plus
la technique l’a trahie
ou son impatiente maladie…
exercice périlleux
La poésie passe,
mais ne revient jamais
avec la même force
la même intensité
la même volupté
Un ersatz du texte oublié
La figue est affligée
sa mort est venue deux fois ce matin
elle n'en demandait pas tant !