les pantoufles et le chien
Le cuir du canapé est usé,
il y aurait tant de choses à dire, témoin, depuis longtemps, de leurs vies autant que de la mienne.
Moi, il me va bien mieux que l'autre qui n'a pas de passé,
Noir et blanchi de l'usure du temps,
Assorti à mon poil brillant.
J'aime m'y prélasser, dormir et rêver.
J'ai mon plaid. Au gré de mes envies, je le mets de côté,
Je me love dedans,
je m’y enveloppe jusqu'à disparaître de leur vue.
Depuis peu, je sais sauter pour monter et pour descendre.
Ça semble stupide, mais j'avais peur, il m'aura fallu six ans pour y parvenir.
À l'heure du goûter, je me réveille, je me secoue et je cours vers la cuisine, dès que j'entends la machine qui se met en route. Pas pour le café, je n'aime pas cette odeur acide, mais parce qu'il y a toujours une miette de gâteau qui m'attend ou que je réclame avec force s'il ne vient pas assez vite à mon goût. Petite, mais exigeante.
J'aime la chaleur, la tranquillité de mon canapé. À l'autre bout, il y a elle, ma maîtresse, qui s'esquinte le cou sur son coussin et qui parfois ne se gêne pas pour piquer un petit roupillon. Elle regarde la télé, elle bulle, elle tripote frénétiquement son iPhone. C’est selon.
Elle s'autorise ses chaussons sur le canapé.
D'un coup elle a chaud ! elle balance son gilet, ses chaussettes qui atterrissent souvent sur mon museau, tant elle est maladroite, mais je ne bronche pas. Je repousse l'intrus et c'est tout, je repars dans mes rêves.
Hier l'aubaine, elle avait déposé proprement ses chaussons bien alignés près de moi.
Comme j'aime leur velours doux fatigué et leur couleur, noirs bordés de blanc, comme moi ! Vous avez vu, elle a même poussé le vice ou la délicatesse à assortir les semelles à mon plaid d'hiver.
Un autre jour, je vous montrerai mon plaid de Noël avec le père Noël dans son traineau, ou le plaid du printemps plus léger aux couleurs acidulées.
Je n'ai pas résisté, d'un habile coup de reins, je me suis retournée et ai posé ma tête sur ses chaussons. Que c'était rassurant, le velours et son odeur très légère, quoi de mieux pour replonger dans les bras de Morphée.
Dommage, elle m'a réveillée alors que je rêvais d'herbe verte et d'une longue promenade.
Elle a remis ses chaussons, m'a emballée dans mon plaid,
dans ses bras, j'étais aux anges, comme un bébé dans ses langes.
Elle a éteint les lumières. Nous avons pris le grand escalier.
Arrivées à l'étage elle m'a posé toujours empaquetée sur le grand lit bien au milieu. Je n'ai pas bougé, j'ai repris ma nuit où je l'avais laissée jusqu'au lendemain matin.
J'essaierai de lui repiquer ses chaussons une autre fois. Je n'avais jamais osé le faire mais c'était trop bien. Pourvu qu’elle ne change pas de pantoufles. Il faudrait tout recommencer.
Chipie
une tendre pensée pour ma douce Chipie toujours dans nos coeurs.