la cruche
Encore un hasard ? Mais est-ce vraiment un hasard ?
Encore un objet, oui encore un objet.
Les objets ont des vies,
Les objets me parlent,
Les objets…
Quelle cruche !
Sauvée des déménagements,
Sauvée du feu,
Sauvée des poubelles
Sauvée de quoi ?
Ni belle, ni laide, ni, rien de spécial
Une cruche en grès
Elle était chez maman ?
Rescapée des naufrages
Rescapée
Pourquoi elle ?
Au fond du sous-sol, posée là parmi d'autres objets
Dans un bric-à-brac ininterprétable
Dans un bric-à-brac de souvenirs
Comme çà
Un jour…
Un jour, vider un peu l'espace, rendre de l'espace à l'espace
Regrouper un ensemble hétéroclite pour donner
À d'autres qui ont tout perdu,
Ou qui n'ont jamais rien eu
Ou si peu
De l'utile, de l'agréable,
Du superflu qui fait du bien à l'âme et au cœur
Modestement, faire un geste dans l'espoir de voir un sourire
Poindre au coin d'un regard fatigué.
Les sacs s'empilent dans le coffre
Puis dans la voiture, un inventaire à la Prévert
Vaisselle, draps, vêtements, chaussures
Enfin… des sacs remplis à ras bord
Au-dessus, ma main, sans réfléchir, y glisse une cruche
Excellent état, pas une fêlure, pas une ébréchure
Comme dans les annonces
Une cruche prête à recevoir de l'eau fraiche et désaltérante
De l'eau de vie
De l'eau du robinet
De l'alcool, pas d'alcool
Du vin, un joli pichet de vin
La voiture est vidée, les sacs déposés…
Pourquoi au dernier moment retirer la cruche ?
La remettre, sans ménagement, dans le coffre,
Et repartir.
Je l'entends… à chaque virage, à chaque freinage elle crie son mal
Elle traverse le coffre vide, seule dans le noir en compagnie d'un grand parapluie et de sacs vides.
Un jour, je ne l'entends plus.
Terrée au fond du coffre, elle a trouvé un coin où se reposer.
Je la regarde bizarrement, comme si elle voulait me parler. Sans plus !
Indifférence apparente.
Préparer le voyage, vers là-bas, vers l'Alsace, vers… ceci est une autre histoire.
Vider le coffre, nettoyer la voiture,
La cruche apeurée se laisse attraper par l'anse
Elle est encore une fois, bourlinguée, malmenée,
Jetée dans un sac avec de vieux sopalins, de vieux mouchoirs, destinés à la poubelle
Elle craint le pire
Elle n'a rien fait pourtant
Non, elle se retrouve dans le panier du chien, le panier de voyage
Le chien ne vient pas, pas besoin de son panier
Indifférence totale de la famille, qui passe sans la voir, sans même soupçonner sa présence tranquille
Elle se dit que… ou peut-être rien, encore que…
il n'y a pas de hasard !
Voyage en Alsace, visites, les cigognes sont revenues, les monuments, la route des vins, Ribeauvillé, Riquewihr, et surtout la Vallée de la Bruche et le Champ du Feu pour d'autres raisons. Trop tôt. Repérages.
Strasbourg, retrouvailles avec une amie. Les Sophie font connaissance.
Choucroute, promenades, découvertes de la vieille ville, les canards et les cygnes croisent notre chemin.
Acheter du pain d'épices tellement bon !
Tortue ? Pas encore cédé, il s'en est fallu de peu quelques minutes avant ! impossible de revenir sans au moins une tortue !
Le magnet de la vache vosgienne, superbe race, et la cigogne en peluche, ma nouvelle mascotte qui s'appelle… Sara ! tiens un indice, ne sont toujours pas des tortues.
Une boutique : des tortues. Je rentre. Je craque. J'écris, c'est compliqué les noms en Alsace ! sous la dictée de Sophie :
"grès de Betschdorf". Je choisis une petite tortue à dominante bleue et verte, à l'œil malin.
Petit à petit, les choses se mettent en place, dans mon cerveau fatigué
En arrivant à l'hôtel, j'avais été frappée par une jolie présentation d'imposants objets à dominante grise et bleue. Des grands pots avec un petit décor bleu.
Je trouvais cela charmant. Sans aller plus loin.
Deux jours plus tard, je ferai quand même une photo.
La vie se passe, les visites s'enchainent, tout va bien. Le soleil nous rend visite, malgré la pluie matinale qui nous plombe le moral provisoirement ! 1100 mètres dans les Vosges… la pluie s'y plait, s'y complait.
Le retour. Un doute, et si ma cruche était alsacienne ! ce serait une coïncidence énorme.
À peine rentrée, aller la récupérer, l'examiner, vérifier si…
Il n'y a plus de doute !
La cruche a fait un nid à la cigogne qui de son œil pétillant de peluche insignifiante semble aimer sa nouvelle situation.
Sara la cigogne et la cruche retrouvée
Il n'y a pas de hasard
Ces deux là étaient faites pour se rencontrer.
Et puis, personnellement, j'y vois deux symboles très forts dont je vais avoir un énorme besoin pour porter à son terme…
Mais ceci est une autre histoire.