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Publié par fuzzybabeth

Mon cher blog,

Depuis quelques mois, tu es devenu un nouveau compagnon : fidèle, virtuel, muet, attentif, sans jugement, impudique aussi, toujours prêt à recueillir mes moindres pulsions. Oui, pulsion, car écrire est une pulsion.

Je serais incapable, chaque matin, de m’installer pour écrire pendant quatre heures, incapable de contenir mes idées.  J’en ai si peu, que je ne peux pas prendre le risque de les voir s’envoler.  D’ailleurs ce ne sont pas des idées, mais des bribes de vie, des séquelles de vie qui arrivent en ribambelles.

La page blanche ne me fait pas peur. Je saute dessus dès que la pulsion arrive. Il n’y a aucun enjeu ni vital, ni pécuniaire. Qu’importe le moment où elle arrive, entre mon cahier à spirale, le petit carnet dans mon sac et le clavier, j’ai des armes. Lumière du jour ou lampe électrique. J’y vois clair. Enfin sur le papier. Dans ma tête c’est un doux foutoir. S’il n’y a pas de pulsion. La page reste blanche. Tant pis.

 

Peu ou prou, deux tiers de ma vie sont passés. J’ai attaqué le dernier tiers. J’y barbote déjà lamentablement. L’espérance de vie est longue, mais la déchéance est au bout. Plus tardive qu’il y a cinquante ans, mais bien présente. Alors il faut que je profite de mes dernières années potables pour mettre mes idées en ordre, sauf  si le destin me réserve un sort plus court. On verra bien. Je m’en fous.

 

Mon cher blog,

Tu sais cela. Il y a bien longtemps que je n’ai pas commencé un texte par ces deux petits mots ronds, incisifs, possessifs. Il y avait « mon cher papa », « ma chère maman », je ne peux plus les écrire. Les « hello », « coucou », « Hi », « ciao bella » et autres ont remplacé la formule sacrée. Les mails, les SMS ont tout bouleversé. Les distances, le temps, le rapport au monde, aux gens.

Aujourd’hui je sens le besoin de me poser et de faire un petit bilan avec toi. Une pause. Un mince événement m’a mise dans le doute. Vais je continuer à te raconter des petits bouts de moi, mi réalité, mi fiction.

Ecrire est une chose si intime. Si je remonte dans mon enfance, bon, j’ai déjà dit tout cela.

Ne serais-tu pas mon nouveau confesseur ?

 

Ne me réponds, pas :

« ma pauvre chérie, descends de ton arbre ! pose les pieds sur le sol nauséabond de nos villes. Oui je suis ton confesseur. Je suis ton thérapeute à ma façon. Pendant dix ans tu as raconté tes tourments, tes espoirs, tes désillusions à ton psy. Enfin presque. Il ne peut plus rien pour toi tu l’as compris. Alors tu m’as refilé le bébé.

Tu t’es jeté sur moi. Tu as tellement de choses à dire. Tu voudrais que la vie soit un long fleuve tranquille. Même pas en rêve. Ce n’est pas possible. D’ailleurs tu ne le supporterais pas. Tu n’aimes pas ce qui est plat et linéaire. Il te faut du mouvement, des aspérités. Il te faut t’investir, te brûler. Attention aux moulins à vent !!! prends du recul. L’empathie : un peu. Arrête de faire l’éponge et de te tourmenter pour tout ce qui bouge autour de toi.

Peut-être que lui aussi a besoin de toi et que ton aveuglement fait que tu ne le vois pas ». 

 

Mon cher blog,

Tu as certainement raison. Mais pourquoi confesseur. Je n’ai rien à confesser. Je n’ai rien à avouer, rien à me faire pardonner. Je veux être moi.

 

« j’ai dit confesseur pour te faire réagir. Tu ne peux pas nier que ta vie a été marquée par ton éducation rigido catho. La charité chrétienne t’est restée enfin dans l’idée. Et pire la culpabilité. Le pêché originel. Les pêchés véniels, les pêchés mortels !!!  Ta franchise et ta loyauté sont les ennemies de ta liberté. Tu as gardé la souffrance de la confession. Seule dans le confessionnal de bois foncé qui sentait bon l’encaustique et l’encens, perpendiculaire à un abbé qui te prêtait son oreille, au nom de Dieu, pour recevoir TA confession.

Surtout ne pas en oublier. Qu’ai-je fait de mal cette semaine ? Les noter sur un petit papier pour recevoir l’absolution. Et puis entre deux Paters et trois Ave, en confesser d’autres à Dieu. La plus belle confession. Toi face à toi.  Je m’insurge maintenant. De quel droit passer sous les fourches caudines de l’Eglise ? De quoi traumatiser des générations entières. Bingo !. Et pourquoi ne  pas me féliciter de ce que j’avais fait de bien. Pourquoi cette culpabilité omniprésente, cette suspicion.

Pourquoi avoir supprimer les bons points à l’école, pour le coup ! nivelement par le bas ! on voit le résultat.

 

Tu sais très bien que lorsque tu écris, la culpabilité est là sous-jacente. Pourquoi ? je critique ? pourquoi ramènes-tu toujours tout à ce niveau ? J’en ai marre, fais un effort, sors de cette coquille. Quitte ton bénitier ? Garde le respect des autres, l’écoute. Les religieuses que tu as tant critiqué t’ont malgré toi sauvé de biens des soucis. Tu peux aller la tête haute. Je me trompe ?

 

Mon cher blog,

Pourquoi, cinquante ans plus tard, dois-je continuer à faire un bilan !! et pourquoi poursuivie par cette culpabilité, je me remémore ce que j’ai fait. Bourrée de remords, si ma journée n’a pas été bien remplie comme c’est le cas neuf fois sur dix. Enfin dans mon jugement et  si l’on remplit la grille comme elle devrait l’être style enquête de satisfaction.

Tu dois noter de « Pas du tout satisfait » à « très satisfait ». Où mettre le curseur ? La question n’est jamais celle que tu aurais voulu que l’on te pose. Alors le soir c’est pareil.

J’ai arrêté d’être superwoman, partie à huit heures, rentrée à la maison douze heures plus tard.

Je serais plutôt tendance épicurienne, procrastinatrice de luxe, glandeuse névrosée, noyée dans des milliers de volutes qui tourbillonnent au dessus de ma tête telles des tentatrices du ne rien faire.

 

Le thé est froid depuis longtemps. La quadrupède est repartie dormir. Le soleil résiste. Le monde tourne, les gens bougent et moi j’écris.

 

Pour moi ?  pour quoi faire ? pour qui ?

 

Mon cher blog,

Tu as mis le doigt dessus. « Pour qui »   est la bonne réponse.

Avec mes déménagements actuels, je me rends compte combien nous ignorons notre passé. Je n’en suis pas nostalgique, mais il m’a construit, et j’ai besoin de lui pour avancer.  

Une journée passée avec une amie m’a fait mettre l’accent encore plus fort sur ce que je pensais.

 

C’est banal. D’où venons-nous, où allons-nous ? Pourquoi beaucoup d’ enfants adoptés ont-ils une fêlure ? Si j’étais une enfant adoptée, ou née d’une insémination, j’aimerais connaître mon histoire. Cela ne remettrait absolument pas en cause, l’amour pour les parents, ceux qui m’ont choisi. Je les remercierais de m’avoir nourri, aimé, choyé, éduqué. Mais l’origine est une part de soi.

Il y a des pans d’ombres dans mon histoire. Très peu. Une famille simple, un papa, une maman. Mais j’ignore encore « avant », et j’aimerais tellement savoir. Voilà il est presque trop tard. La généalogie n’y pourra rien. A qui appartiennent ces visages sur les photos ? Je ne connais pas leur nom ? je ne connais pas leur vie. Il doit y avoir parmi eux, des photos de ma marraine que je n’ai pas connue. Une brouille.  Il me reste un petit nounours rose. De mon parrain, j’ai des photos, décédé à vingt sept ans. Zut alors !! j’étais bébé je n’ai pas eu le temps de les connaître.

 

 

Je suis née d’un deuxième mariage de mon papa. J’adorais mon père, parti beaucoup trop tôt. Que tu l’aurais aimé mon fils ! Ta vie aurait été autre avec un pépé comme lui. Enfin n’y pensons plus.

Un jour, dans le livret de famille de mes parents, j’avais lu (et relu) que papa était veuf. Très jeune veuf. Aussitôt, au comble de l’émotion et du trouble, je me précipitai vers maman, pour lui faire part de ma tristesse infinie et lui dire que j’aurais préféré ne pas être née, que sa femme ne soit pas morte pour qu’il soit heureux. Si ce n’est pas de l’amour. Je me suis prise une claque morale mémorable. Ma mère certainement sidérée par la découverte du « secret » m’a répondu avec une froideur glaciale : « et moi ? »

putain, mais elle n’avait rien compris.

Je m’en souviens comme si c’était hier. Je lui ai répondu dans ma naïveté et franchise de petite fille quelque chose du style : mais tu n’aurais pas souffert puisque tu ne l’aurais pas connu.

Je crois que notre relation en a pâti. Et l’autre alors.

 

Mon cher blog,

La semaine a été riche en échanges, le mois de septembre le sera. Il m’émouvra. Je vais vivre de grands moments, d’introspection, de recherche. Je ne sais pas comment je vais m’en sortir. Trop d’investissement émotionnel. Je vais devoir puiser au plus profond de mon être charnel. J’ai un peu peur. Et puis octobre sera le mois de la signature. J’ai peur. Il faudra donner le change. Déjà je commence à ne pas m’en sentir capable. Hier déjà ma journée a été difficile. Les prémices des évènements, des chocs, les plaques tectoniques de ma petite vie qui vont bousculer mes certitudes, mes habitudes.

 

Mes cousines organisent une cousinade. C’est bientôt. Je suis angoissée à l’idée de les retrouver. Je n’aime pas ces rassemblements. Combien vont venir ? Françoise en a tellement envie. J’irai pour elle. Une expérience, il faut la vivre. J’espère que je pourrais glaner des miettes du passé de mes parents. Mes cousins ne doivent pas en savoir beaucoup plus que moi sur la famille. On verra bien. Il y aura un oncle et une tante. Ils sont maintenant notre mémoire.

 

Respire. Tu verras tout ira bien.

 

Mon cher blog,

Je m’égare. Je suis si préoccupée par ces semaines qui viennent.

 

Tu es un peu mon journal que je n’ai pas cadenassé dans un tiroir secret. Tu me connais j’aurais tout de suite perdu la clef. Tu te rappelles le coffre ?

Mon ambition serait d’être une Madame de Sévigné. Ne t’énerve pas, je n’ai pas son talent. J’aimerais  être le témoin de ma vie. Je crains tant que l’on dise des bêtises, des flatteries ou des mensonges à mon sujet.  Je veux transmettre des petites choses. Il y a trop de pièces manquantes dans mon puzzle.  Encore que  derrière une glace sans tain, je pourrais en apprendre beaucoup  dans le regard de l’autre, je me connaîtrais mieux. Je suis lâche, pour cela il faudrait que je l’écoute l’autre. Un jour. J’y arriverai. J’apprends.

 

Mon cher blog,

Je suis longue aujourd’hui. Que d’angoisses m’étreignent.

Tu sais, lorsque je ne serai plus là et que mon fils devra tout vider ce qui aura été ma vie, j’aimerais qu’il en connaisse un peu l’histoire. En écrivant, je vois bien que c’est idiot. Il est rationnel il ne se posera pas de question. Tant pis, je vais quand même lui dire que le petit tableau avec le cerf est l’unique œuvre rescapée de sa mamie. C’était en 1944, elle demeurait au Château de Valençay, sa richesse était sa peinture. Une bombe est tombée. Elle a tout perdu sauf le cerf. Depuis il a traversé les années et il ne me quitte pas. Voilà une histoire simple.

 

Tu te rends compte de ce que tu dis ? Laisse tes émotions parler. Mais surtout, par pitié, laisse ton fils décider de l’histoire qu’il voudra écrire. Ne mets pas de mots sur les objets. Il inventera lui même son passé. Tu l’as suffisamment abreuvé. Il n’en peut plus. Il ne supporte pas les tableaux sur les murs, tu le sais. Il te le dit.

 En ce moment ton mari, un sage, brûle des années de souvenirs, une partie de ton passé. Alors fais pareil. Tourne la page. Tu ne peux pas. Tu as besoin de temps. Alors prends ton temps. Je serai patient. Laisse tes doigts courir sur le clavier. Tu te sens rassurée. Bien, très bien. Je garderai tes secrets. Et si un grain de sable te contrarie, n’y prête pas attention.

 

 

 

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