rien ou presque
Action, réaction, préparation, décoration, imagination. Que de mots. Des petites touches. De gros efforts. Des petits moments. De longs instants de réflexion pour préparer ce dîner de l’Avent. Une nouvelle habitude. Nous aurions pu être une grande douzaine, nous n’étions que cinq. Nombre suffisant pour nourrir mes angoisses, mes craintes, mes doutes. J’aurais été encore plus dans l’angoisse si tout le monde avait répondu présent. Et lui il aurait fait la gueule. Tu m’étonnes.
Çà couvait. Une réflexion hier soir m’a mise hors de moi, reçue comme un coup de dague. Comme à chaque fois qu’il y a quelqu’un à la maison… « dont la raisonnance est plus forte face aux témoins, plus juste ! » Bizarre.
« C’est de ta faute, c’est toi qui » … qu’importe le motif, je savais que çà n’était pas vrai, que je n’avais rien fait, qu’au contraire, j’avais essayé d’être douce avec la bouteille, ne pas bousculer ses bulles. Mais quand les bulles sont parties en cataracte, la faute m’est automatiquement tombée dessus.
Dommage, d’avoir gâché « ma » soirée. J’y avais mis tant de tendresse, d’attention pour une soirée chaleureuse à cinq ou à douze. Pourquoi faut-il qu’il me saborde ces jolis moments. Pourquoi n’ai je pas la force de m’en foutre complètement. Respirer, prendre du recul, faut pouvoir.
L’alcool a un peu perturbé ma nuit. Le réveil ce matin fut un peu difficile et tardif. Qu’importe
J’avais décidé de me concentrer sur mon nombril.
La maison était calme. Seule dans la cuisine, appuyée à mon comptoir, les yeux dans le vague, je regardais la vie dehors. Une petite vie. Quelques crânes qui dépassent au dessus de ma barrière. Les quelques voitures du parking du temple. Ils sont à l’office, fidèles à ce rendez-vous. Un petit groupe homogène. L’été, les enfants jouent sur le terrain.
Je regardais les deux voitures rouges contrastant avec le camaïeu de voitures grises. Manque d’imagination des constructeurs, me disais-je !!!
Je regardais ma louloute elle aussi tournée dans la même direction. Nous ne devions pas voir les mêmes choses. Je la caressais. Elle venait de manger ses quatre pétales de corn flakes, bio et tout, sans sucre. Mon thé chaud me titillait les narines. Enfin une, puisque l’autre ne veut rien savoir de l’olfaction.
Je me rappelais ma soirée, ces moments de tendresse. Assise en bout de table, je me prenais pour la poule qui entourait ses poussins. Ils sont grands mes poussins. Tiens, c’est drôle, la poule, le coq. A oui, celui qui gueule, il était à gauche. Je l’avais traité de coq à nos débuts. Je crois que je n’aime pas les coqs.
Cela a duré un grand moment, j’étais bien, j’étais calme, juste triste de m’être prise une réflexion crétine et injustifiée. Je ne supporte pas cette injustice.
Ego, mon ego !! ne vois-tu rien venir ??
Lorsque je fais une connerie, je l’assume, je le dis, quitte à me brûler les ailes, encore la poule.
Puis, je l’ai entendu arriver. Le coq arrogant aux pieds d’argile.
-« Tu as bien dormi ? »
-« non, pas vraiment »
Quelques phrases, comme sorties de la méthode Assimil, qui se voulaient aimables. Peut-être l’étaient elles, je m’en fous. Moi j’avais toujours les bulles dans le cerveau. Elles me tarabustent, elles ne sont que l’expression de tellement d’autres choses. Putain, je voudrais tellement écrire des choses joyeuses, rigolotes. Nager dans la dérision, dans le millième degré. Pour me masquer, pour m’échapper.
Hier, j’avais fait une table un peu style décontract. La nappe, autrefois à maman, style bistrot, qui allait bien avec le pot au feu et ses os à moelle, était posée en biais. Je m’étais amusée à casser les codes. La fourchette dans un sens, la cuillère dans l’autre. Un peu de fantaisie. J’aime. Pour le bouillon, chacun avait sa tasse de droitier (comme a dit Yves). Toutes différentes, dépareillées, trop marrant, je m’amusais comme une petite folle. J’aurais pu mettre la même pour chacun, j’avais ce qu’il fallait en stock. Comme ces petits riens me font du bien. Je me sens vivante.
Là, je me suis emballée, ma colère a explosé. Je lui ai balancé des mots insensés. Pas vraiment. Violents et blessants sans doute. L’exact reflet de mes sentiments. Ces choses que je refoule au quotidien, et qui devaient sortir. Encore une fois comme une litanie. Ils ont été très forts les mots ce matin.
Le choc frontal du face à face de l’absence de douceur, de tendresse et oserai-je : d’amour. Il y avait beaucoup de tendresse avec mes cousins. La tendresse comme un sentiment à part. Les gens que j’aime de tendresse me sont indispensables. Ils sont ma survie. Ma raison d’espérer, de pousser plus loin la vie. Illusion du bonheur ? Maintenant, je sais que je vais me calmer, que cette ligne sera une de plus dans mon carnet à souffrance, l’oubli ne fait partie de mes vertus.
Il est resté longtemps près de moi, enfin pas trop, le nez dans la tasse de café. Pas un mot. Il souffrait peut-être ? Il ne partira pas. C’est moi qui devrais le faire. Le ferais-je un jour ? Doute ? Ce doute est ma soupape. S’il me disait qu’il part, je pense que je m’écroulerais. Vanité. Pourtant, il faudrait séparer nos quotidiens, il faudrait se séparer. J’en meurs à tout petit feu, comme le pot au feu dans sa grande marmite qui glougloute, qui compote, qui confit. Il ne se passera rien encore aujourd’hui. J’aurais mal, juste mal, seule dans mon coin. Lui, il repartira dans ses rêves. Il n’aura rien dit. Il ne dira rien comme toujours. Ou, si des choses banales pour détourner la tension. Intelligence ? ce n’est pas ce que j’attends.
Une phrase pour se raccrocher. « tu tousses beaucoup la nuit »
Et donc ? je t’ai réveillé ? tu fais diversion. Tu essaies de te raccrocher et à chaque fois tu t’enfonces, je ne t’écoute pas.
Tiens, tu remontes avec le chèque du mois. Comme à chaque fois ou nous avons failli nous séparer, il y a l’argent qui remonte en surface. Il n’y a pas de rapport ? Curieux ! j’y vois une espèce de coïncidence.
Je serais donc une pute, puisque je me laisse acheter. C’est plus compliqué ou plus simple.
Les voitures s’en vont, l’office est fini. Ils vont rentrer chez eux. Seront-ils heureux de leur dimanche ? Moi, non, je sais déjà que mon dimanche est pourri. Je n’aime pas le dimanche. Je hais les dimanches comme chante Raphaël, tiens, il nous reste un point commun !!!
Il revient du marché. Non, je n’ai pas voulu d’huîtres, non je n’ai rien voulu.
« Il y avait des carottes de couleurs » et alors, je m’en fous c’est trop tard !
Je le sens il est malheureux, moi aussi. L’orgueil ou autre chose nous éloigne nous a éloigné. Je radote. Il n’y a pas de marche arrière sur la voiture de ma vie. Elle continuera brinquebalante. Masochisme ? lâcheté ? Qu’importe c’est ma vie. Je l’aimerais autrement mais comment ? et avec qui ?