RECONSTRUIRE L'EDIFICE
Mon corps pèse une tonne ce matin. Conséquence de la séance musclée d'ostéopathie de lundi ? Certainement. Je ne sais pas dire l'espace de mon corps qui ne me fait pas mal. Je serai patiente, demain qui sait, je me réveillerai sans douleur ou alors je serai morte. Mais non, c'est une litote, je n'ai pas envie de mourir. Encore que pourquoi pas ? Mais non, j'insiste la vie m’ouvre une lucarne.
J'ai l'impression qu'il se passe des choses dans ma vie et que l'hiver, le mien, est entrain de capituler. C'est trop tôt, l’été n'existera plus. Si un doux printemps éternel s'installait, tranquille, sans heurts, sans souffrance, une douce sérénité, l'accalmie après tant de tempêtes, je serais déjà comblée. Tu prendrais ma main, nous marcherions sans but, juste l'instant présent, une fleur qui vient d'éclore, un arbre qui se balance languissant, un oiseau qui chante.
Petit elfe est ce toi qui le soir vient me souffler cette petite brise, ce bruissement qui me fait un peu peur, peur de la rencontre. Je sais que tu existes. Je crois deviner. Je m'emmitoufle dans ma couette, je ferme les yeux très forts pour ne pas te recevoir. Il y a longtemps que tu me rends visite, de temps en temps, je ne suis pas prête. Un jour après les tourments mais il sera peut-être trop tard.
Ce matin, je profite du sourire fragile du soleil. Temps tu n'es pas beau, tu as encore fait beaucoup de dégâts cette nuit. Plusieurs personnes ont perdu la vie, et j'ai entendu que ceux qui s'étaient sauvés de ce désastre avaient tout perdu : maison, argent, voiture et leurs animaux. J'en ai des frissons. Je crois que je ne te laisserai pas. En fait je n'en sais rien devant la situation c'est vrai tu agis, tu ne réfléchis pas. Devant un incendie tu ne regardes pas la couleur des cheveux du pompier qui te sauve, mais si tu devais choisir entre ta vie et celle d'un être cher que ferais tu ??? Je n'ai pas la réponse. Je ne veux pas savoir.
Je vais tenter d'oublier ces laideurs. Le printemps revient, je le sens il frémit, il m'appelle. Saurais-je le recevoir ? Saurais-je lâcher prise ?
J'ai fait de gros progrès, depuis quelques mois, les psychotropes ont disparu de ma vie. Je m'enhardis. Pas les fondements, il est trop tard. Pourquoi abattre les vieux édifices au prétexte qu'ils sont rongés par le temps. Moi, je vais commencer le ravalement de mon édifice. Il faudra que tu m'aides. J'y mettrai un peu de couleur, un peu de lucidité, un peu de détachement, un zeste de tolérance, une poignée de tendresse, un signe de la main, un baiser. Et puis, je continuerai à aller vers l'autre, à recevoir l'autre. Un petit mot, une petite carte, c'est si peu et c'est tellement. Je t'attends le printemps, ne me déçois pas, je crois que c'est ta dernière chance. En retour recevrais-je un sourire de mon fils, je le crois si froid, il vient de partir, pas un au revoir .... et si je me trompais, comment savoir ? J'ai envie de m'énerver, les choses tristes m'énervent. Non, je ne ferai rien. Un simple constat et je passerai à autre chose.
Mon thé va me brûler les papilles, je le hume, ambassadeur de contrées lointaines, noir, fumant dans sa théière blanche immaculée. Un petit verre d'eau d’amandes l'accompagnera. Un petit moment de bonheur, le premier de la journée. Que ma journée soit longue alors …