plouf ! la box
Plouf ! la box est tombée : privée d'internet, de téléphone fixe… c'est un peu la panique à la maison.
Rendez-moi mon téléphone à cadran
Et puis il y a ceux qui ont des iPhone et les autres…
Je ne sais quelle catégorie est la meilleure
Comme une machine qui relie ton cœur à la vie dans les derniers instants, cette petite chose continue à te maintenir à ce que tu crois être ta vie et le monde extérieur, toi enfermée dans ton cocon douillet
FB. est là. Tu peux lui dire que c'est la merde, que tout le monde s'engueule chez toi, ou fait la gueule, en disant que çà marchait hier et que c'est de la faute de l'autre si la putain de box est tombée
Et puis, c'est la faute de l'opérateur, encore un peu ce serait la faute du moineau qui a osé poser ses pattes sur le fil électrique alors que la box se fout complètement du fil électrique qui se dandine sous ses yeux moqueurs dans la rue
Et puis, l'arrivée des mails, les uns après les autres
"on a ouvert un incident" ou un truc du genre
mince alors, faut-il faire un constat à l'amiable ?
Celui du dégât des eaux, celui de l'accident de la route ?
Qui avait la priorité ? la box, l' iPhone, le téléphone à cadran
le bureau du sous-sol
le junior, plus très junior "qui lui travaille !" mais qui s'occupe de tout, qui vide les tiroirs sans ménagement, qui débranche tous les cables et part à la recherche de la source du mal
et même qu'on sait pas où elle est la source, enfin l'arrivée de cette toile d'araignée de câbles, de cordons, de rallonges, de tas de trucs aux noms techniques, plus incompréhensibles pour moi que tous les signes cabalistiques réunis ! j'exagère un peu, c'est pas non plus une pièce de Feydeau, juste un huis clos un soir de janvier en banlieue parisienne !
le senior, qui se … euh non çà je peux pas l'écrire d'ailleurs, il ne faut jamais imaginer le pire ! la vie est parfois plus simple… qui se délecte d'un petit chocolat par exemple
le senior, qui s' "internetise" toute la journée pour masquer des maux, et un ennui bien vivant
la péronnelle, du bureau du premier, qui frénétiquement, se jette par saccade sur FB. Pour aller aux nouvelles de ses ami(e)s, les vrais, ceux qu'elle voit avec qui elle rit, elle pleure, elle partage et les autres qu'elle n'a jamais rencontrés, mais qu' elle ne s'interdit pas de voir un jour.
Ah c'est le progrès madame Michu !
Un SMS par-ci, un SMS par là, et hop le tour est joué
La box est tombée, je continue à surfer, surfer sur le net, surfer sur mes pensées,
oui, mais quand tu n'as pas ce petit truc à la pomme ou un autre, tu te retrouves un peu, isolé du monde d'aujourd'hui, à l'écart de la fébrilité ambiante qui peut donner à sourire, à maudire, à vomir
Est-ce mieux ? Est-ce pire ?
Un jour de perdu, un jour de gagné ?
Chouette, ressortir une revue papier,
Chouette, faire un peu de classement, de rangement, de ménage
Chouette ? le ménage ! pas sur du tout !
En profiter pour vider les cartons qui encombrent le garage
Réparer un truc déglingué
Il y a tant de choses à faire pour s'occuper
Partager un café
Partager une tasse de thé
La box est tombée, mais la télé fonctionne
Alors, ce n'est pas encore pour demain que je ressortirai le téléphone en bakélite à cadran !
Quelques dossiers m'attendent, je vais m'en occuper
Ecrire, penser, parler, discuter, rigoler, partager, inventer, créer, rêver sont des valeurs sures et cela internet ne pourra pas me l'enlever
Alors j'attendrai que le ticket de l'incident soit refermé sans trop de hâte ni de courroux
Jusqu'à la prochaine fois
Mais où est ce temps d'avant quand j'attendais le télégramme du mois, trop cher, pour en envoyer plus souvent, la lettre de la semaine, dès sept heures du matin, déposée dans ma boîte à lettres, décorée de petits dessins si touchants
Avant, c'était avant
Je ne sais toujours pas si c'était mieux
Mais je suis malgré tout assez fière d'avoir connu ce temps de l'attente de la patience, du rêve, je crois que, comme les jeunes, je n'en serais plus capable. L'impatience, la violence ont pris le pas sur la patience et les larmes de velours
Je ferai avec aussi longtemps que possible
Ah ! un gazouillis vient de retentir sur mon iPhone, le cadran vient de s'éclairer
Je te laisse temps d'avant… un message vient d'arriver, pas de temps à perdre
Tout s'arrête, je lâche la plume, je vais prendre connaissance de ces dernières nouvelles qui bientôt seront écrasées par des plus nouvelles que les nouvelles et qui seront bonnes ou mauvaises nouvelles faites de voyelles, de consonnes et de mots insensés que le système aura décidé de remplacer sans te demander ton avis
Diantre où va le monde ?
Technologie qu'as-tu fait de nous ?
Tu as aboli les frontières
Et fais nos cœurs de pierre
Pas vraiment
Puisque nous sommes tous reliés via le nuage du cloud !
Je voudrais mettre mon cerveau au repos
Il ne serait pas trop tôt
Le monde est si beau
À dos de chameau
Alors que pauvre chamelle
Sans cesse tu attends des nouvelles
Trop souvent dignes de la poubelle
Si peu sont belles et naturelles
Juste sorties de paradis artificiels
De faillites intellectuelles
Travaillées à la truelle
Rêves de jouvencelles
Parfum de ritournelles
Je ne suis que miel
Je ne suis que fiel
Qu'importe ma belle
Monte sur ta selle
Et en une étincelle
Remets le monde en selle
Et file vers le ciel
À la recherche de la joie éternelle
Nouvel hymne aux SMS
(avec la participation involontaire de Jean Ferrat)
que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais je sans toi qu'un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais je sans toi que ce balbutiement
…
Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
tu m'as pris par la main comme un amant heureux
…