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Publié par fuzzybabeth

Un cadre rouge et un cadre blanc

Ils sont là devant mes yeux. Mon regard s’attarde sur eux.

Il y en a un petit, rouge, carré aux bords renflés et incisés. Le rouge est sombre mais lumineux d’aspect un peu vernissé. C’est mon original. Il renferme un bien précieux, une petite toile réalisée par un oncle. Chacun son hobby lui il aimait peindre exprimer ses idées à travers ses toiles.

Il s’installait dans son grand sous sol tout son matériel autour de lui comme un rempart. C’est là qu’il s’évadait, qu’il calmait ses pulsions, ses crises d’autoritarisme, de douleurs.

Il avait vécu tant de vilaines choses,  longs souvenirs de guerre, lui le fier bélier, un peu grège parfois trop souvent pour les autres.

Ils l’avaient envoyé au front en Russie. Dans le froid, la faim, la peur, les vexations, les privations. Ils n’étaient pas tous revenus. Les camps ont fait des millions de morts injustes, intolérables, impardonnables. Mais que dire de tous ces soldats, toujours de jeunes hommes arrachés à leurs familles, à leurs amours. Lui il y était resté sept ans. Le retour avait été difficile. Il avait retrouvé sa fiancée. Rien n’était plus comme avant. Ils se marièrent mais n’eurent jamais d’enfants, autre souffrance, même s’il n’en parlait pas. Mais à l’observer, et j’aimais l’observer. On sentait toutes ses rancœurs, tous ses regrets, tous ses manques.

Je l’aimais bien. Il m’avait fallu attendre longtemps pour être vraiment accueillie chez lui, suite d’une querelle comme il en existe dans toutes les familles, qui blesse, souvent incompréhensible. Jalousie, intolérance, méconnaissance de l’autre, absence de curiosité de l’autre.

Je me souviens de tant de choses, tant d’instants. Mais revenons à mon petit cadre rouge.

 

Beaucoup se moquaient de lui. « Tu as vu sa peinture, c’est nul, c’est moche, pour qui se prend-il ? » aucun n’aurait été capable d’esquisser le début de rien. Il avait fait quelques expositions et avait vendu quelques croutes. Des paysages de notre beau Poitou. Et puis c’était son plaisir.

Subitement ce matin, je fais tilt. Mon oncle est mort. Ses tableaux ont été éparpillés. Peut-être ont-ils été brûlés, car l’héritage, enfin non, çà je m’en fous, ses biens sont passés dans une autre famille. Après tout c’est lui qui a choisi, alors tant pis si ses tableaux ne sont plus que des petits tas de cendres. Je garde précieusement ceux qu’il m’avait offerts parce que j’avais compris un petit quelque chose.

Subitement, en regardant mon tableau rouge, je me sens projetée avec violence dans son monde. Maintenant, j’écris, j’écris pour moi, pour me faire plaisir, pour me faire du bien et puis surtout parce que je ne peux pas faire autrement. Quelque chose de fort te submerge. Tu dois écrire. C’est ainsi. Tu dois écrire très mal, sans doute, ah le jugement des autres. Ils doivent faire les mêmes réflexions que pour lui. C’est étrange, ce lien qui nous unit d’un coup.

Mes écrits ne sont pas sur les murs, mais ils sont amoureusement rangés dans mon blog enfin pas tous. J’assume tout je suis heureuse, mes écrits sont des cris du cœur, des cris d’amour. Si je peignais, je ferais des toiles pleines de couleurs, des teintes lumineuses, chatoyantes, et violentes souvent, des lignes géométriques propres, et des rondeurs, comme une barbe à baba si douce dans ta bouche. Le reflet de la vie. Le reflet de quelqu’un qui vit, qui donne ses tripes. Les couleurs sont les mots de la toile. Moi, je connais mieux les mots, je les adore. Je vous torture, qu’importe vous êtes ma joie.

 

Au fait, petit tableau rouge, qui es-tu ?

 

Un fond beige sobre. On est frappé par le rouge d’un pull à col roulé. Donc, tu es un personnage. Un bras appuyé sur un coude. Une main, paume ouverte, s’appuie tendrement sur une joue. Ton visage est doux, tes yeux noirs me fascinent depuis ta naissance. J’aime tes oreilles bien dessinées, discrètes, parfaites. Un nez fin, une bouche un peu trop rouge ; tonton, tu as un peu exagéré ! Peut-être voulais-tu dire que sa bouche est douce. Le cheveu raide, oui c’est la vérité.

Tu avais onze ans, tu passais tes vacances avec ta mamie chez tonton et il t’avait croqué. Je te vois tous les jours devant mes yeux, lorsque j’écris et j’aime ta présence silencieuse à mes côtés qui me soutient lorsque je ne vais pas bien.

 

Gourmandise, fierté excessive ? A sa droite, il y a un grand tableau blanc brillant. Et devinez ? Encore lui mon fils, une grande photo du petit tableau, on n’est jamais assez prudent. Et si on m’enlevait mon petit tableau rouge…..

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