le dico d'espagnol
(la grande tortue)
Tout me donne envie d'écrire,
Une obsession, une névrose.
Un mot, une phrase, une image, un sourire, un objet,
Le ciel, la terre, la pluie, le vent, le soleil,
Un dictionnaire,
Toujours le hasard qui me guide
Et qui m'entraine dans une valse lente ou effrénée
Prendre un stylo,
Sauter sur mon clavier,
Il faut que les mots se posent
Il faut qu'ils prennent vie
Tout explose dans ma tête
Je ne sais pas
Je ne peux pas
Je ne veux pas les retenir
La folie pourrait arriver
La folie de la passion, de la création
Je pourrais pendant des heures
Jeter des phrases, des mots nés de mon imagination
de ce qui m'entoure
Je suis toujours frappée de l'éclectisme de mes choix
De ma curiosité sans cesse grandissante
Je sais… le temps passe
Il faut combler le désamour,
Il faut remplir le temps restant
Il faut comprendre
Il faut apprendre
Il faut donner
Il faut partager
Quoi de plus beau et émouvant
Lorsqu’un pop-up t'annonce un commentaire
Si doux, si tendre, si sincère
Un bonheur m'envahit
Je trouve alors une justification encore plus grande
Aux mots que je pose avec soin et amour sur le texte
Les mots sont parfois crus, désuets, enflammés ou…
Je les aime ainsi
Je les veux ainsi
Je n'ai plus de temps à perdre
Aurais je le temps ?
L'esprit en éveil et en escalier
À la recherche de mon dico d'espagnol
Qui évidemment a disparu ! l'âge !
Mon regard tombe sur un petit bouquin,
Vieilli, il était à mon garçon
D'ailleurs c'est écrit dessus !
Je crois reconnaître l'écriture de sa grand-mère !
Un livre comme je les aime tant
Un "pop-hop" comme on disait
J'ouvre et sous mes yeux de petite fille
Les papillons s'envolent et m'enveloppent
Que de noms étranges !
Et vous savez quoi, un d'entre eux s'appelle "tortue" !
Oui je le savais… heureusement
À quoi servirait ma passion,
Si elle n'était pas documentée
Moi dont la mémoire ne fait que ce qu'elle veut
Ce qu'elle veut ?
Faute aux médicaments qui ont sauvé ma vie
détruisant quelques facultés au passage !
La petite tortue ou vanesse de l'ortie vit dans les prairies et les jardins
ma vie, ma joie, mon plaisir ! c'est beau et simple
Vulcain, Thécla, azuré de la canneberge, petit Apollon, solitaire,
tant et tant de noms, chacun son biotope ! j'aime, je frémis.
Je m'imagine avec un monarque prendre mon envol
Traverser les océans pour aller où le soleil m'attend
Je vole, mes ailes sont déployées, je vole, je vole
Légère, je vole, je suis si bien
Combien ne reviendront pas ?
Il y aussi les guerres, beaucoup ne reviennent pas ou ne sont pas revenus
Je sais, mais aujourd'hui je vole, je suis une plume
Je suis la tortue à plumes qui vole ! voilà
Et puis je reviens,
Dans vingt-cinq jours Noël…
Une autre obsession, une autre douleur,
Cette année, j'ai un projet, mais chut !
Demain, je vais remonter les sacs et les boites
Commencer les décorations,
J'ai vu dans une boutique un cochon pour mettre dans la crèche
Je le cherche, je ne sais plus où je l'avais vu
Un cochon dans la crèche, l'idée ne m'était jamais venue, et pour cause
Et alors ? Jésus est devenu catholique, je suis sure qu'il aurait pu manger du cochon !
Donc si je le retrouve, il y aura un cochon dans ma crèche.
La nostalgie est comme le lierre elle s'accroche à ma vie
Pourquoi, sempiternellement, ce livre, à jamais disparu, me revient-il en mémoire :
"le petit renne au nez rouge", mon grand livre où le petit renne accompagne le père Noël dans sa tournée de distribution de cadeaux. Le petit renne est le guide de l'attelage de renne qui vole dans le ciel le traineau accroché derrière et le gros père Noël bouffi et les joues rouges qui sourit à la joie des enfants. Naïveté et interrogation. Faut-il s'en réjouir ? Ou non ? Ou faire semblant ?
Voilà c'est cela, faire semblant, se cacher la vérité, se cacher et faire le sapin, y mettre de jolies guirlandes, de jolies décorations. Certaines ont mon âge, comme moi, elles ne sont plus fraiches, mais je les aime. Elles étaient chez mes grands-parents, oui encore eux, toujours eux. On n'oublie pas l'absence des gens que l'on aime, on en fait une force de vie. Si tout était clair, alors il faut se laisser porter par eux, ce n'est plus un chagrin, c'est une joie de se dire qu'ils sont là et qu'ils nous accompagnent. Angélisme ? Idéalisation ? Qu'importe, parfois j'en ai besoin pour me pousser, pour ne pas m'arrêter. Je suis sure qu'ils sont alors heureux de savoir que je vais bien. Leur faire ce cadeau, aller bien, pour les rassurer…
Je n'ai toujours pas retrouvé mon dico d'espagnol…