ils s'embrassaient
Un rituel, une tendre habitude, un besoin de se dire que l'on s'aime. La maison était rangée, tout était déjà prêt pour le petit matin qui viendrait vite trop vite et qui les arracherait à leur étreinte.
Il se mettait au lit le premier, toujours avec un polar. Elle finissait ses mots croisés, ceux de France Soir, l’incontournable. Elle s'acharnait. La petite, déjà couchée, l'entendait qui gommait rageusement les lettres qui ne rentraient pas dans les cases. Elle recommençait patiente, elle ne pouvait pas se coucher sans avoir fini sa grille.
Pendant ce temps là, le café finissait de couler dans la grande Salam jaune et blanche. Le café emplissait le petit appartement de son arome d'ailleurs, de fraicheur, de rêves. Bientôt elle lui porterait une tasse de café très noir, très sucré, comme il l'aimait, presque bouillant et dont les volutes de fumée l'accompagnaient durant le court trajet entre la cuisine et leur chambre à coucher. Il la remercierait avec un grand sourire amoureux, boirait le breuvage, éteindrait sa cigarette, poserait son livre et ses lunettes, non sans avoir vérifié que le réveil sonnerait bien à six heures le lendemain matin et l'attendrait.
Peu après elle arriverait doucement dans sa longue chemise de nuit rose et satinée, un peu transparente. Elle aurait vérifié que la petite fille dormait, enfin c'est ce qu'elle croyait. Alors elle s'allongerait à ses côtés, son homme, son mari, son amant. Il se rapprocherait d'elle, il la prendrait dans ses bras, la couvrirait de petits baisers autant empreints de passion que de douceur et de respect. Il picorerait son cou et son visage. Ils resteraient dans les bras l'un de l'autre. Ils se diraient, tout bas, quelques mots doux puis s'endormiraient.
Alors, la petite fille pourrait elle aussi dormir, déchirée par un sentiment confus entre joie et jalousie.