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Publié par la tortue à plumes

"Seulement il ne fallait pas les mettre en colère ; car alors ils étaient pleins de méchanceté et de malice, et faisaient à celui qui les avait blessés tout le mal qu'ils pouvaient" J. et W. Grimm (les Veillées allemandes, 1838) 

=====
J'ai,
bouché mes oreilles 
fermé les yeux
enfoncé la tête et les pattes dans ma carapace.
 
Sur "off" du monde extérieur,
j'ai pénétré dans un labyrinthe mystérieux,
j’étais Alice au pays des merveilles, 
j’étais chez moi,
moi pour moi et par moi,
sans angoisse, juste libre, 
le temps s’était arrêté
le temps était mon ami.
 
Tous mes sens en émoi, au-delà du réel, 
je sentais, j'entendais des vibrations, 
des ondes positives d’êtres imperceptibles qui,
me croisant, effleuraient de leur douceur ma peau tannée
la caressant du bout de leurs curieuses oreilles pointues et velues.
 
Je voyais, je devinais des couleurs incroyables,
des camaïeux d'orangers et de verts incandescents de force et de lumière m'enveloppant telle une parade d'aurores boréales vertigineuses.
 
Le voyage à peine commencé ils étaient des dizaines réunis autour de moi.
L'émotion était palpable, l'instant magique.
Ils étaient si graciles ces petits êtres, si fragiles et si forts en même temps,
pas plus gros qu’une tête d’épingle, mais être vivants, 
ils étaient aimants, 
je n’avais besoin de rien d’autre que de leur présence attentive et bienveillante.
 
Parfois, ils pouvaient s’énerver ou s'emporter et même s'engueuler et partir en déployant leurs ailes lumineuses et nacrées comme celles des libellules.
À cet instant précis, je savais qu’ils m’aimaient, leurs murmures me parvenaient, des petits bruits, des petits cris, des petits rires et quelques notes de musique céleste. 
 
Engoncée dans ma carapace je ne bougeais pas, je retenais mon souffle j’étais sous leur emprise, esclave volontaire, de ce nano monde intérieur, 
Habillés de couleurs flamboyantes, les yeux verts ou bleus, selon l’angle où ils apparaissaient, ils étaient câlins ces petits fripons.
En lévitation, en apnée, les deux en même temps, appelez cela comme vous voulez,  j’étais heureuse et en paix.
Cette sensation était si rare.
J’étais enivrée des effluves laissées sur leur passage, des parfums d'herbes vertes, de soufre des volcans, d’iode des mers arctiques lointaines et si proches, 
et que dire du parfum si délicat du serpolet de la lande,
mes papilles et mes narines frémissaient,  je ne bougeais toujours pas.
 
Continuer mon rêve, continuer mon voyage ensemble. 
Je ne pouvais pas les toucher,  c’est la seule chose qui me manquait, mais leur présence rassurante valait mille fois plus que la caresse que j’aurais pu leur donner, mon souffle ténu et détendu était ma façon de leur dire combien ils étaient importants pour moi.
En me cognant aux contours de ma bulle, j'avais la sensation de flotter dans le liquide amniotique comme lorsque je n'étais que foetus. 
 
Soudain un bruit strident m'arracha à ma béatitude me vrillant les oreilles
Malgré moi je dus quitter mon cocon magique,
ils étaient toujours là mais je ne les entendais plus,
en ouvrant les yeux je réalisais que la réalité était encore plus belle que mon voyage.
 
Autour de moi,
une vieille église se reflétait dans le soleil couchant,
des oiseaux me regardaient avec curiosité,
des moutons, retour du réttir, m’entouraient en bêlant, 
un bosquet d'arbres se prenait pour une forêt !
des éboulis de  lave à l’infini, et un peu de vert pour adoucir le noir de la pierre.
Je venais d'atterrir à Þingvellir, téléportée par mes grands amis du petit peuple invisibles du commun des mortels.
Eux savaient que c'était là que je devais être !
Au centre de cette gigantesque faille intemporelle et mystique, j'étais enfin libérée de toute contrainte,
Je savais que j'avais atteint mon but et que jamais je ne voudrais en repartir. 
Pour une fois que la réalité était plus forte que la fiction,
pourtant…

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photo de couverture : www.visitonsislande.com/thingvellir

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