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Quatorze dodos.
Comme pour les enfants, j’aime cette mesure du temps. Elle dit tant. 
Les nuits sont si belles, ou parfois si angoissantes. 
La journée, tu tiens le coup, plus ou moins.
La nuit tout est possible, les mauvaises rencontres, les cauchemars, les rêves pas toujours roses et la solitude. La solitude sous ta couette. La solitude. Tout le monde dort, ou tout du moins le fait croire. 
Même le chien, attentif toute la journée, s'abandonne dans le creux de sa polaire au chaud. Rien ne pourra le distraire de sa nuit, sauf un coup de pied malencontreux ou une petite soif mal évaluée. 
J’ai compris pourquoi je n’aimais pas ses absences du soir. Le soir est réservé à l’intimité, à sa propre vie, à la vie de famille. Les autres en sont exclus. Tu es seul ou pas, mais, en tous cas, dans ton cocon. C’est effrayant parfois. Si tu étais absent aussi souvent que tu l’es, j’accepterais mieux le jour. Il n’y a pas longtemps que je l’ai compris. Mais pas le soir, pas lorsque la nuit est déjà entamée. Cependant, je ne lutte plus. C'est aussi ta vie.
 
Quatorze dodos, c’est le nombre de nuits qu’il me reste à dormir dans ma maison avant ce voyage.
Ce fameux voyage aussi imprévu que bienvenu.
Quatre mois pour m’y préparer, pour l’apprivoiser, pour le rêver, l’organiser. Le plus est fait.
L’avion, y compris les sièges sur le pont supérieur à droite avec un hublot. L’appartement est loué, décoration moderne, grand balcon, vue dominante sur la ville et sa baie, sauf si le brouillard nous nargue. 
Les bagages commencent à se préciser. Ne rien oublier, ou le moins possible. Le passeport, l’ESTA sont OK. Compter les médicaments. Ne pas oublier ton thé indispensable. Ils ont surement le même, mais… des pulls ; le froid il fait froid. Des manches courtes, le jour il peut faire chaud ou pas. Un peu compliqué. Et puis la ville aussi décontractée soit elle, n’est pas un séjour au Club Med. Tu ne peux pas emporter que ta collection de maillots de bain et de paréos ! Et surtout, il y a si longtemps que tu n’es pas partie aussi loin et dans ces conditions. 
L’appareil photo est neuf, prise en main rapide effectuée, ça devrait aller. Tout le matériel est donc en place ou peu s’en faut. Ne pas oublier les chargeurs de toutes sortes.
 
Quatorze dodos avant de partir ;  Je devrais dire je vais vous quitter pour encore plus de dodos, et là la panique me prend. Je vais laisser ma maison, mais pas seulement.
Jamais depuis quarante ans nous ne nous sommes autant éloignés, et aussi longtemps.
Neuf mille kilomètres, neuf heures de décalage horaire, un océan, un continent à traverser. J’ai un peu le vertige. Et si… oublions le si, on ne ferait jamais rien. Même traverser pour acheter une baguette de pain peut être un risque. Alors… pourquoi ne pas lâcher ?
Quatorze dodos pour m’habituer. 
Quatorze dodos pour te préparer au quotidien de la maison. 
Comment faire une lessive ? Où est le linge ? Gaston, Totoche ne pas oublier de les nourrir. Et les plantes ! pourvu qu’il n’oublie pas l’eau, oui, mais la bonne quantité, ni trop, ni trop peu !! 
A ce compte-là, on se demande pourquoi tu pars. Reste chez toi et tu arroseras tes plantes à ton rythme. Ah oui, le pire… Tu la laisses, elle, ta précieuse petite quadrupède. Jamais, elle non plus, tu l’as abandonné aussi longtemps. 
Le vertige me reprend. Va-t-il lui donner ses médicaments au bon moment ? Et lui qui devrait en prendre, pourquoi se laisse-t-il sombrer sans rien pouvoir y faire ?
 
Quatorze dodos, le temps se resserre, mon corps aussi, mes nuits sont agitées. Je devrais être heureuse, détendue. Pas possible. Pourtant, j’ai hâte de voir cette région, que tu as tant aimé, que tu aimes tant, et pour laquelle tu m’as offert mon billet d’avion pour la découvrir ensemble. Je devrais exulter. Il est encore trop tôt. 
 
Partir pour un long séjour avec son fils n’est pas aussi facile qu’il y paraît. 
 
La vie à trois. Rien de plus compliqué. Toujours deux versus un. Et cette fois c’est le père qui est sacrifié. La prochaine fois…..s’il y a une prochaine fois. Je garderai le chien, les poissons, les plantes, le jardin, la tortue, la maison et … on verra ce que nous réserve demain. 
Quatorze dodos, pourvu que je n’explose pas avant.  Respire... tu verras tout ira bien.
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un vieux texte de 2011 - juste 10 ans - dont je m'aperçois que peu de choses ont changé, excepté mes amis animaux. Totoche est près de Toulouse au soleil. Chipie nous a quitté. Margueritte fait notre bonheur. 
Le Bataclan et l'attentat ont changé la donne... les concerts se sont endormis.
Mon fils vit sa nouvelle vie heureux tourné vers le pays de ses ancêtres paternels.
La maison est toujours la même, les plantes ont poussé ou ont été remplacées, mais elles tiennent toujours la même place dans ma vie, celle de la nature sans laquelle nous ne sommes rien. Toujours le même plaisir, à partir d'une frêle pousse, de voir la vie se développer.
Si dans dix ans, je pouvais encore publier ce texte, cela voudrait dire que tout irait bien. J'y crois. La vie est si belle, même en mode peau de chagrin.
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Tag(s) : #2021, #humeur de tortue
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