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Publié par la tortue à plumes

Je ne vois qu’elle, je ne me souviens que d’elle. 
 
Elles étaient là. Une armée de chaises en plastique jaune rangées comme des petits soldats autour d’une grande table de bois foncé peut-être du noyer dont la légende dit qu'il est maléfique de dormir sous son ombre.
Elle m’attendait, c’était ma place, chaque semaine nous nous retrouvions autour de cette grande table.
 
Nous déposions nos cahiers, et nos stylos, attendant les consignes, "les accroches" 
comme elle disait, les thèmes sur lesquels nous allions devoir écrire.  
J'aimais bien, mon esprit pouvait vagabonder, mon imaginaire se débrider.
Ma vie s’arrêtait pendant deux heures, pour une autre, loin de mon quotidien et de ses vicissitudes, les courses, le ménage, les devoirs des enfants,
de temps en temps une balade en forêt, une fois par an la tournée des cimetières.
Pendant ce temps, rien qu'à moi, mon cerveau faisait une mue. Un autre s’allumait et les idées venaient. 
j’écrivais avec l’impression que mon cerveau était directement connecté à mon stylo et qu’il se lâchait sans vergogne, sans pudeur, sans retenue et j’aimais ça.
 
Ça a duré quelques années et puis, sans savoir pourquoi, un jour en entrant dans cette salle un peu obscure ou les seuls rayons de soleil étaient la couleur des chaises,
j'ai réalisé que quelque chose clochait,  que ce n’était pas la réalité et que je ne voulais plus voir le soleil représenté par des chaises jaunes en plastique qui plus est !
sans compter que je posais mes fesses sur le soleil, selon mon imagination débridée, et que ce soleil là était très inconfortable à mon postérieur.
 
C’est ainsi que j’ai décidé sur un coup de tête de tout envoyer valdinguer.
Je me suis privée du plaisir de la lecture en commun de nos textes et de leur surprise qui me réjouissait tellement.
Je me suis privée de la rencontre avec mes amis de plume, du café et des petits gâteaux partagés, mais il le fallait cette chaise jaune était devenue mon obsession je ne voulais plus la voir.
 
Alors de retour chez moi, un peu déstabilisée quand même, j’ai pris mon cahier vert espoir, je l’ai mis dans le tiroir de la commode, celui où tous mes mots sont entassés depuis des années.
J’ai refermé le tiroir et tourné la page de la période "des chaises en plastique jaune".
Parfois, j'en rêve encore.

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