l'homme glycine en 2 actes
Poésie parue dans le n° 51 de la revue PLEIN SENS de LA RUCHE DES ARTS
dont le thème est "paysages"
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l'homme glycine (acte 1)
Nonchalamment assis sur le muret de briques rouges érodées par le temps, il est là pensif.
Pour moi, il est un paysage vivant qui réjouit mes pupilles,
Je l'imagine avec de grands yeux couleur parme et qu'une glycine blanche l'appelle.
Il y a longtemps qu'il a perdu la tête, partie dans un sac à déchets verts.
Chaque matin, je lui dis bonjour,
il m'émeut, alors je prends soin de lui,
vérifiant, en pestant, qu'aucun pigeon n'est venu le souiller, de sa fiente nauséabonde,
en massacrant moultes pousses odorantes des grappes qui abondent
mais qui ne feront jamais de fleurs.
Aujourd'hui, c'est un grand jour, les grappes se sont ouvertes,
tous les parfums embaument l'espace jusqu'au delà du mur,
je ferme les yeux et je hume avec délectation.
Impassible, il jubile,
Un large plumeau, de grappes de glycine, ondule devant sa non-tête
le voici protégé pour quelques jours,
il se trouve beau et invincible, emberlificoté avec d'autres branches
Il pense à Italo Calvino et au baron perché et moi aussi avec lui.
Sauf si une faucille maladroite ne l'a pas définitivement envoyé ad patres
je sais que dans un an, Monsieur Glycine sera toujours là - en sentinelle -
assis sur le rebord du mur.
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Version courte pour Plein Sens
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l'homme glycine (acte 2)
Je l'observe du coin de l'oeil planquée derrière mes lunettes
Il ne se doute de rien,
nonchalamment assis sur le muret de briques rouges érodées par le temps,
il est là pensif.
Pour moi, il est un paysage vivant qui réjouit mes pupilles,
Il y a longtemps qu'il a perdu la tête
partie dans un sac à déchets verts.
Il n'avait rien demandé
c'est ainsi c'est la vie
c'est ainsi c'est sa vie.
J'imagine son visage, son sourire
des grands yeux couleur parme
je sens bien qu'il est heureux, avec ses bras faisant le V de la victoire,
au milieu de ses amies les branches.
Chaque matin, je lui dis bonjour,
il me touche, il me bouleverse,
je prends soin de lui,
vérifiant qu'aucun pigeon n'est venu le souiller
lorsqu'ils viennent se rassasier
des jeunes pousses naissantes des fleurs odorantes des glycines.
Après leur passage, je peste
ils ont encore arraché de frêles grappes tendres
qui ne feront jamais de fleurs.
et continueront à lâcher leur fiente sur la nature environnante.
Aujourd'hui, c'est un grand jour, les grappes se sont ouvertes,
tous les parfums embaument l'espace,
je ferme les yeux et je les hume avec délectation.
Impassible, il jubile,
un large plumeau de grappes de glycine ondulant devant sa non-tête
le voici protégé pour quelques jours,
il se trouve beau et invincible,
il pense à Italo Calvino et moi avec lui.
Rassurée, je vais pouvoir fermer ma porte et vaquer à mes occupations
autant que la pandémie le permet.
j'ai de la chance, je le sais...
quand je voudrais, je pourrais ressortir pour humer le suc insolent des parfums,
le regarder, sans masque, et respirer à pleins poumons.
et toujours voir le verre à moitié plein.
Cependant, j'aimerais revivre et découvrir d'autres paysages !
continuer la route 1 (Þjóðvegur 1) en Islande
traverser le parc des Monti Sibillini, à la saison des coquelicots,
confier mes pieds au sable et aux ondes de la Baie de Somme
repartir aux Seychelles retrouver mes autres moi : les tortues
revivre San Francisco et sa folie
découvrir le Japon et les cerisiers en fleurs
oui, j'aimerais être ailleurs ,
un jour, plus tard, il sera j'espère encore temps.
Pour l'instant je promène mon doigt sur la mappemonde
en savourant les petits bonheurs du quotidien,
comme des victoires épiques, qui me suffisent pour avancer
en attendant, pleine d'espoir, que l'après d'avant soit plus souriant,
et que peut-être, dans un an, Monsieur Glycine reverdira.
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