c'était... Bernard
C'était un beau jour d'été, la dernière fois…
Les fleurs étaient épanouies, l'ombre des arbres faisait comme un grand parasol.
Autour de la table ronde, en sirotant un café ou je ne sais quelle boisson, nous étions heureux de discuter, de tout de rien, le passé, les souvenirs du Manoir, le présent, la maison de campagne en Bourgogne, le futur, les enfants, les petits enfants.
Tout était bien. Nous avions attendu si longtemps avant que les pas de Jo et de Bernard ne se posent chez nous. C'était comme si nous nous étions croisés la veille dans la grande allée parfumée de la résidence, en parlant de la peinture du portail, de jardinage, des haies à tailler, des ampoules à changer, du ciel bleu, de la pluie, des problèmes de stationnement, des réunions du conseil syndical.
Nous avions parlé de Gérard qui nous avait fait la funeste blague de nous quitter quelque temps avant.
Puis la porte s'était refermée. Nous étions persuadés qu'après l' été nous les retrouverions. La grosse coupe de Kalanchoé orange toujours fleurie me rappelle encore, chaque jour, cette visite.
Son dévouement aux Petits Frères des Pauvres. Il avait évoqué un vague projet… J'étais prête à relever le défi.
Le sourire au coin des lèvres. Il me reposait moi si nerveuse. J'aimais sa conversation légère ou profonde. Histoire de clous, de marteaux ou de croyance, philosophie, jamais de banalités ou alors elles prenaient un sens.
Il y a les aventures de Martine, à la plage, en vacances, au camping. On pourrait faire une série avec Bernard.
D'autres titres sont à inventer.
La vie avait des couleurs avec Bernard. Certains sont gris. Bernard était lumineux. Un arc en ciel de joie.
Bernard sans sa peinture n'était pas lui. Si ses pinceaux pouvaient s'exprimer aujourd'hui ils feraient une toile grise et noire -pointillés de tristesse de cette absence nouvelle -. Des larmes pleureraient le long du dessin laissant des traces indélébiles, comme de petites rigoles qui s'échapperaient vers la terre pour le retrouver. Dans un coin en haut, il y aurait un nuage d'où l'on verrait son sourire si doux et puis il y aurait un soleil pour nous réchauffer, car comment imaginer que de son nuage il ne penserait pas à nous. D'ailleurs, je le vois qui nous fait un signe de la main.
En arrivant à Colombes, alors que nous n'avons jamais réinstallé tous les tableaux qui étaient accrochés aux murs de l'appartement du Manoir, deux tableaux ont été très vite posés. Ils nous accueillent en entrant dans la maison. Un gros vase de fleurs et le Manoir en fête : Tintin et le professeur Tournesol. On reconnaît bien les protagonistes du premier plan. Deux œuvres, deux cadeaux de Bernard à Vincent.
Pourquoi les amis nous quittent-ils tous trop tôt ? Je pensais avoir tourné la page de 2014 confiante que 2015 ne nous réserverait pas les mêmes tristesses. Erreur ! très mauvais début d'année.
Je pense à toi, Jo, qui a partagé la vie de ce poète, de ce lutin, de cet homme d'une grande générosité. Je sais qu'on ne connaît jamais les gens, même ses proches, alors j'oublie surement beaucoup de choses, mais ce ne sont que quelques impressions qui viennent de me passer par la tête, alors que la nouvelle vient de nous arriver par mail :
"Triste message" écris-tu Jo ! oh que oui. Une mauvaise nouvelle qui nous a cueillis loin de nous douter de ce que contenait ton mail. Depuis quelques jours, je pensais à vous, et je me disais qu'il fallait que je vous appelle pour la nouvelle année et pour avoir des nouvelles, je n'y arrivais pas. Un sentiment étrange, que je ne n'aime pas m'avait envahi, mais de là à cette extrémité. J'ai retenu mes vœux de bonne année… ils auraient été ridicules.
Triste message… Il n'y a rien d'autre à ajouter.
Une pensée particulière pour vos enfants, vos petits enfants et toute notre amitié sincère pour toi Jo et tout le courage dont tu vas avoir besoin.
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