les vagues bubonneuses
Est-ce ici ?
Est-ce ailleurs ?
Nulle part
quelque part
elle vogue dans son rêve
brasse coulée de la vie
il est matin
il est midi
un restaurant au décor suranné
une ou deux tables occupées
pas plus
elle commande
ils attendent
puis plus rien
l'attente
encore l'attente
un plat
elle a oublié ce qu'elle avait commandé
le plat est froid
le second n'est jamais venu
elle se lève
s'emporte
vitupère
sort
elle est ailleurs
la mer lèche la façade de la maison
des vagues bubonneuses et hargneuses
soulèvent frénétiquement un bateau
une coquille de noix
une frêle embarcation
il y a des gens
ils ont peur
ils crient
elle est à côté
elle ne peut rien faire
comme si un mur de verre existait entre l'eau et son corps
la mer s'arrête net
elle voit du rouge dans le bateau
elle aperçoit des visages terrifiés
les bubons grossissent puis explosent
un par un
les uns après les autres
ou en grappe inquiétante.
Au fond, les montagnes immobiles
majestueuses n'ont que faire de tout ce tintamarre.
Elle se retrouve dans la ville.
Comment est-elle arrivée dans ces rues
sombres, lugubres et désertes ?
Comment ? Pourquoi ?
Un immeuble, une plaque
elle la lit puis elle l'oublie
au bout de la rue
elle retrouve la mer
qui envahit tout
c'est peut-être Venise ?
Non, ce ne sont pas les maisons
celles-ci sont tristes et monochromes
la mer est déchainée
seul le bruit du fracas des vagues sur les murs
donne l'idée de la vie
au bout... un escalier
descendre à droite ?
descendre à gauche ?
Impossible la mer est encore là
telle une frontière liquide infranchissable.
Rebrousser chemin
trouver une issue
sortir de ce cauchemar
prisonnière de son rêve
"the Truman show" n'est pas loin
émerger de
ce drôle de rêve
elle ne saura jamais la fin
un rayon de soleil cajoleur
vient de lui caresser la joue
prudemment, elle ouvre un oeil
le ciel est bleu
elle peut ouvrir les deux
se lever et aller déguster
le café du matin dont le parfum enivrant
monte jusqu'à ses narines.
La journée devrait être belle.
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