la chute, la boue obsidienne et la résine blanche
Un mois déjà
il était 15:58
j’étais presque arrivée
encore cent mètres
et c’était gagné
prête à repartir.
Achetées les cartes postales,
reprendre cette habitude,
et les timbres
envoyée la carte en Sicile
acheté le papier cadeau.
Légère dans ma tête
mais lourde dans mon corps,
je la vois !
elle est brillante
sûrement collante
attirante comme une sirène
noire comme de l’obsidienne
contraste saisissant
avec l’asphalte dorée du chemin.
Elle m’appelle,
elle m'interpelle !
trop large pour l’enjamber
sciemment et prudemment…
c’était sans compter sur le destin !
J’y pose mon pied gauche…
en une fraction de seconde
juste le réflexe de plier
le poignet gauche
et c'est la chute !
mon seul réflexe après un bruit sec
« j’ai cassé ma montre » !
non ! merci
elle n’a rien
mais moi…Je vois des étoiles.
Mon sac de courses a volé sur le gazon
eh oui…
j’aurais pu faire un pas de côté…
j’aurais pu !
La suite…
beaucoup de chanceS
un passant
une dame en voiture
la police municipale
tous s’arrêtent
je suis toujours dans la boue
une envie de vomir
mal partout
et je suis en retard.
Je veux rentrer chez mes amis
« ça va aller mieux »
je suis déjà tombée
et dans les pommes par la même occasion !
Me revient la fois
où dans une inconscience folle
j’avais valdingué avec une pioche
et la grosse racine de l’arbre
retombant lourdement
sur la dalle de béton
mais… rien de cassé !
Le policier regarde ma main
pas belle, enflée
mais pas une goutte de sang
merci la boue
il a raison faut vérifier !
Samu contacté
détail de mon pedigree donné.
Une petite heure après,
c'est long et c'est court,
les pompiers arrivent :
une femme
deux hommes
des volontaires
une sacrée équipe !
Mon amie arrive incrédule et inquiète
enfin, ce n’est pas une amie
elle est un essentiel de ma vie.
Le passant,
un homme jeune
est toujours là !
Pendant une heure lui
et le policier m’ont soutenue
physiquement et moralement
et ce mal de dos insupportable,
plus que le bras, une seule envie
m'étendre n'importe où …
comment les remercier ?
par ce texte, alors mille et un mercis.
Direction les urgences traumatiques à Auray
Pas une minute d’attente
aide-soignante
infirmier
paracétamol hydrosoluble
radiologie
retour dans le box
le médecin arrive
bilan : double fracture radius-humérus (ulna en terme médical)
et un plâtre enfin un plâtre en résine pour six semaines..
19h mon amie me récupère
je suis heureuse de la revoir et de l'avoir à mes côtés.
Retour à Belz, la vie reprend avec de nouveaux gestes,
et surtout des renoncements !
couper la viande
ouvrir un bocal
enfiler un pull
boutonner un jeans,
enfin toutes ces choses du quotidien.
Trois premiers quarts de siècle, sans rien de cassé !
Comme quoi jamais n’existe pas !
Cette nouvelle expérience aura, motif que je ne m’explique pas encore,
bousculé quelque chose en moi.
Est-ce que ce sont les chaleureux contacts humains avec ces gens rencontrés par hasard ?
Est-ce le fait de n’avoir qu’un bras mobile,
qui me fait encore penser aux souffrances de papa ?
et à tout relativiser…
Est-ce le fait de devoir faire appel à l’autre
et bafouer tous mes principes de liberté et d’autonomie revendiqués avec force ?
Consciemment ou inconsciemment - un peu tout ça…
alors, je le crie très fort :
la vie est belle.
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