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Publié par la tortue à plumes

Et pourtant le soleil brille 
Qu’importe,
Je pense à toi
Pas qu’aujourd’hui
Mais beaucoup aujourd’hui
Je regarde ta photo
Et je souris
Tout en grimaçant.
 
La douleur est trop violente
J’ai du mal à supporter
c'est si peu, comparé à toi :
Momifié dans des bandes Velpeau aussi hautes qu’une baguette de pain,
Pour essayer de masquer l’épouvantable crabe,
Et il portait bien son nom,
Puisqu'il te dévorait de l’intérieur 
Mais aussi de l’extérieur.
 
Rien n'y faisait
Aucun remède
Plus rien n’agissait.
Tu avais envie de mourir, de te supprimer,
Encore aujourd’hui on se demande pourquoi tant d’êtres humains voudraient mettre fin à leurs souffrances inhumaines, sans avoir le droit de le faire proprement.
Combien de fois tu l’as dit ! 
Mais tu n’as pas osé
Je pense que tu n’en avais même plus la force.
 
Toi qui avais vécu dans les tranchées l’horreur de la guerre de 14
En tant que brancardier, tu avais vu certainement 
tout ce que je suis incapable d’imaginer,
Toi qui étais revenu tellement changé après ces années
Que ta femme, grand-maman, ne t’avait  pas reconnu et avait failli te mettre à la porte
Alors que tu rencontrais enfin ton garçon  né en janvier 1915
le jour de l’arrestation de Louis XVI,
Après un mariage d’amour
Totalement désapprouvé par tes beaux-parents
Et qui pour leur faire entendre raison
Aviez mis en route ce petit garçon
Un beau jour de printemps 
Sauf qu’en août…  la mobilisation générale avait été déclarée
Ce garçon qui était devenu mon père.
 
Je t’appelais pépé
Tout simplement.
Et si c’était à refaire je referai la même chose
C’est toi qui m’a appris le goût et l’amour du jardin, des fleurs, des plantes, des arbres,
le parfum de l’estragon, de la rose 
Et la douceur de la poire Louise Bonne
Et le goût du jus de la treille lorsqu’il vient juste d’être pressé.
 
Avec toi j’allais à la bibliothèque
Avec toi j’étais bien
Mais que tout cela est loin
je t’admirais je t’aimais.
 
J’étais petite mais je souffrais pour toi
Je t’aime toujours tant de dizaines de décennies plus tard.
 
Tu avais la raie au milieu
J’ai dû hériter de toi.
Tu t’appelais François, tu étais aussi important pour moi que Saint-François d'Assise,
fière de le porter comme deuxième prénom
Et de l'avoir offert en troisième prénom à mon fils.
S'il n'y avait eu que moi, François aurait été son deuxième prénom,
Mais on ne choisit pas toujours ses désirs. 
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