5h du matin ma première nuit est terminée
trop tôt pour mettre pied à terre
écouter un podcast
Guillaume Gallienne s'impose
"ça ne peut pas faire de mal"
que choisir ?
"lettre à ma mère" de Georges Simenon
je ne sais pas encore
ce que cette lecture va déclencher en moi…
portrait chinois :
une lettre : j'aime la sincérité de l'écriture d'une missive
Simenon : un de mes premiers émois de lectrice de polars
Belgique : parce que je l'aime
point d'orgue : Fellini et sa voix
"je vous embrasse en attendant de vous entendre au téléphone"
Simenon à Fellini
ma mère : une mystérieuse inconnue
tout pour un moment rare,
Les mots s'égrènent, je suis dans un miroir
je vacille, je m'accroche aux draps
mais il parle de maman ? !
mais il parle de moi ? !
le hasard n'existe pas, c'est tellement vrai
nos non-rapports
à la Alice aux pays des merveilles
ta chambre à l'hôpital…
les pensées arrivent
comme d'habitude
envahissant mon cerveau en vagues successives.
au fil des mots de Georges Simenon, par Guillaume Gallienne,
je rentre dans ma vie,
dans mon rapport houleux avec toi.
Georges Simenon, c'est papa
c'est la joie,
je pourrais décrire papa avec de jolis mots joyeux
toi j'en suis incapable
nous nous sommes croisées
jamais rencontrées
duel de femmes aux egos différents
pas de ma part en tous cas
et de la tienne ?
aux ergots acérés
allais-je écrire !
maman le plus doux des mots
le plus lourd aussi
le plus difficile à porter
le plus difficile à assumer
une heure plus tard, un peu dans une brume matinale
la tête parfaitement en ordre de marche
podcast terminé
un besoin impérieux me fait me lever ;
écrire, poser les mots qui se bousculent dans ma tête
et qui m'étouffent
sans faire de bruit
pour ne pas les réveiller
enfiler les pantoufles rouges
récupérer les lunettes
fermer la porte de la chambre
et descendre dans le séjour où mon ordinateur
et mon espace bureau ont élu domicile depuis
le confinement
oui car nous subissons les soubresauts de la pandémie
et les nuits sont beaucoup plus difficiles
plus métronomiques
minuit - cinq heures
sept heures - neuf heures ou dix heures
avec des variantes
les semaines précédentes ont été très difficiles
quelques séquelles encore
le virus s'est assoupit
va-t'il se réveiller
pour nous emporter ?
un doute omniprésent
le déconfinement a commencé
il pourrait durer des années
vigilance sans modération
j'ouvre un volet
le jour est déjà levé
dimanche a commencé
remarquer que le podcast avait été mis en ligne
le 17 avril dernier
le jour où tu m'avais donné la vie
le hasard n'existe pas
il faut que j'écrive avant d'imploser
il faut que j'écrive avant d'oublier
je ne sais pas si je vais être capable d'écrire plus loin que ces quelques mots,
je vais me laisser porter par mon coeur, on verra bien, où il m'emportera...
tu étais aussi dans une chambre d'hôpital
tu y as fini ta vie
je n'étais pas là
le téléphone avait sonné
on m'avait dit que c'était la fin
que si je voulais te voir à temps
il fallait que je vienne
ton petit-fils et moi étions venus
le plus vite possible
nous n'étions pas très loin
nous sommes arrivés trop tard
non, nous sommes arrivés à l'heure
je crois que l'hôpital m'avait menti
tu étais déjà partie lorsque le téléphone avait sonné
je l'ai compris en entrant dans ta chambre
tu reposais les mains décharnées
posées sur les draps
ta toilette avait été faite
tout était rangé
tout était prêt pour la suite
en fait, ils n'attendaient que nous
pour te descendre au funérarium
je n'aime toujours pas cet hôpital
celui de ma ville
où ne nous résidions pas à l'époque
mais qui était celui dont nous dépendions
je n'ai pas pu t'embrasser
tant de choses entre nous
tant de distances
de non-dits
d'orgueil mal placé
toi le lion solaire
maître du monde
peut-être simplement pour te protéger
d'une enfance difficile
dans une fratrie multiple
où chacun avait été réparti
dans un jeu de bonneteau
gagnant-perdant