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Publié par la tortue à plumes

 

Son petit vélo n'est pas un vélo d'appartement,

Son petit vélo n'est pas un VTT ou un beau vélo hollandais, avec le petit panier et tous les accessoires pour des balades romantiques et pacifiques.

Il n'est plus cela.

Elle en a eu un, il était rouge. Il était resté dans le garage de la maison de l'Adriatique. Elle aimait le prendre, le chien dans le panier, le drap de bain sur ses épaules, partir pour la plage toute proche, mais qu'elle rejoignait ainsi beaucoup plus vite.

Elle aimait sentir le bruit du vent qui lui fouettait le visage.

Elle aimait entendre le bruit des rayons qui cliquetaient à son oreille.

Elle aimait s'arrêter faire deux, trois courses des petits riens, ou une belle paire de chaussures italiennes d'un joli cuir élégant.

Elle aimait s'arrêter sur l'immense terrasse "du" bar de la ville où tout le monde se retrouvait pour l'apéritif, entre parfums de café, de Martini, de crudino avec une rondelle de citron et les petits tramezzini à la charcuterie délicate, comme des pétales de rose, et la mayonnaise légère, légère, accompagnés de l'éternelle coupelle d'olives, dont elle ne laissait consciencieusement que les noyaux !

Elle aimait, elle aimait…

Pourtant elle avait détesté devoir y passer ses vacances. Ah la belle famille, omniprésente ! Intolérante ! Aimante ? Pas tout de suite… après, lorsque l'héritier était arrivé, son statut avait changé, elle n'était plus l'étrangère égoïste qui ne se préoccupait que de son physique. Comme elle en a ri et pleuré. S'ils avaient su la vérité ! Ils ne l'ont jamais su. C'était mieux ainsi. Une fois, elle a abordé le sujet. Elle n'a pas compris que parfois la vie ne fait que ce qu'elle veut et que l'on fait comme l'on peut. Elle n'a jamais su les pleurs, les angoisses, la tristesse, l'attente, les déceptions. C'est bien !

Elle aimait cette liberté, lui marchait à côté essayant tant bien que mal de la suivre.

Il détestait le vélo, et tout ce qui était mécanique, rien n'a changé ! Il avait essayé loin dans une de ses iles fétiches au joli nom et à la réputation un peu sulfureuse. Elle avait voulu, il n'avait pas su. Alors elle faisait des parcours, puis comme un chien qui aurait couru loin devant ses maîtres, elle revenait le chercher puis elle repartait.

Elle détestait ces allers et retours.

Elle ne voulait que regarder droit devant, lui à ses côtés.

Déjà… il n'était plus à ses côtés. Il était derrière, il était ailleurs, il n'était nulle part.

 

Son petit vélo est dans sa tête. Il l'accompagne. Elle le chevauche virtuellement les cheveux au vent. Elle met le grand braquet, il faut se donner les moyens d'affronter la vie.

Elle pédale, elle ahane, le buste penché en avant, les mains accrochées au guidon. Ce n'est pas une partie de plaisir. C'est sa vie. Le chemin est tortueux et sinueux, elle s'accroche, la route monte. Ses mollets s'engourdissent, manque d'oxygène, elle est trop tendue, elle ne veut rien lâcher. Il le faut la crampe est arrivée.

Mettre pied à terre pour reprendre son souffle et récupérer un peu d'énergie, un peu de la rage qui la guide.

Juste prendre son temps, se reposer. S'asseoir dans l'herbe verte et fraiche.

Laisser aller le regard où il veut, vers la cime des arbres, vers la mousse, vers le bleu du ciel.

Cueillir une marguerite ou une fleur de pissenlit et les effeuiller. Je t'aime, un peu, beaucoup… zut ! Raté, le dernier pétale a dit : "pas du tout".

Elle n'est pas découragée. Elle recommencera. Entretemps, elle demande au bouton d'or si elle aime le beurre. Anodin, un peu de légèreté. Cueillir quelques fleurs sauvages, quelques-unes seulement. Préserver et ne pas gaspiller ce qui reste de nature vraie et sauvage. Une fleur coupée est une fleur déjà morte. Pourquoi la priver de sa vie déjà si courte ?

La pause est terminée. Le sourire aux lèvres. Elle remonte sur son vélo, virtuel ou pas.

Reprendre l'ascension, atteindre le sommet. Enfin, un sommet, un objectif, un but.

Elle y est arrivée, elle a atteint le col de sa montagne imaginaire.

Maintenant, il faut tout lâcher, elle ne peut que redescendre. Elle ne va pas rester perchée sur ce sommet venté et désertique. Encore que, le ciel est son horizon. L'éternité est son présent. Elle n'ose pas. Pas cette fois-ci. Une autre fois. Elle reviendra. Une autre idée lui passe par la tête.

D'abord se laisser griser

D'abord se laisser glisser

D'abord se laisser dériver

Les pieds dans le vide

Juste pour l'équilibre

Le visage giflé par le vent, toujours lui comme elle aime cette sensation !

Les mélèzes, les épicéas défilent devant ses yeux incrédules et innocents

Pas le temps de les compter,

Le vertige

Le délire

Le désir

 

Attends-moi j'arrive ! Euh ?

Prépare le grand plaid à carreaux rouges

Réactive les braises de la cheminée

Comme avant, tu te rappelles ?

Tu ne comprends donc pas !

Bouge-toi un peu, redeviens vivant

Elle n'aime pas les zombies

Tu es pire qu'une buche statufiée

Tu ne vois plus rien que ton nombril et encore il faudrait que cela soit possible.

Il faudrait que tu arrêtes, que tu le veuilles.

Arrête de t'empiffrer de tonnes de chocolats et autres saloperies

Tu ne veux rien entendre

Que faire ? Est-ce que cela la concerne encore devant tant de résistances ?

 

Rien. Alternatives ? Supporter ou bifurquer ?

Elle remet les pieds sur les pédales, bientôt, une nouvelle route se profile, dans quelques centaines de mètres, elle a vu le panneau. Il y avait écrit le "nouveau paradis". C'est tentant.

Elle aura le choix. Elle réfléchit. Son choix est vite fait.

Elle ne continuera pas la route, la mort dans l'âme elle décide de bifurquer.

Tu pourras pleurer dans le grand plaid à carreaux rouges.

Cinquante mètres, elle ralentit, elle hésite. Le panneau l'invite. Ne pas changer d'avis.

Elle se cramponne au guidon, elle braque vers la droite. En route pour le nouveau paradis. Il sera peut-être son enfer, ou son purgatoire. Si elle ne tente pas, elle ne saura jamais.

Elle choisit une liberté.

Qu'y aura-t-il au bout du chemin ?

La liberté ?

Qu'en fera-t-elle ?

Qu'y aura-t-il au bout du chemin ?

De l'amour ? Un amour ? L’amour ?

Saura-t-elle le reconnaître tant il l'a enfermé dans son amour à sa façon ?

Le jeu en vaut peut-être la chandelle.

Ne pas se retourner

Elle tentera l'aventure.

Il sera toujours assez tôt de remettre le vélo en marche et de repartir se réfugier dans le grand plaid à carreaux rouges.

=====

 

le petit vélo
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