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J’étais tranquillement entrain d’essayer de lâcher prise confortablement installée dans mon divan rescapé du naufrage de notre campagne. Rendez-vous manqué avec mes rêves. Vingt ans de perdu, je n’ai fait qu’attendre quelque chose qui n’est jamais arrivé. J’avais fait tant de projets pour ce joli petit coin briard. Mon fils et ma mère en ont profité plus que nous. Maman n’est plus là, et mon fils n’a aucun souvenir. C’est à hurler.
Moi, j’ai des souvenirs de travaux, sans fin, inachevés qui auront eu raison de ma passion. Tu n’as jamais arrêté dans cette grande maison, mais tu n’as fait que ce que tu as voulu, et petit à petit le pourquoi de mon coup de foudre s’est estompé jusqu’à mourir définitivement. Là une cheminée que j’aimais bien, disparue. Une écurie elle aussi démolie. J’y ai laissé ma santé, mon squelette en souffre encore et en souffrira jusqu’à mon dernier souffle. Des journées entières, l’été, l’hiver, à démolir des plafonds, des sols, des murs, des cloisons. Rien ne m’arrêtait la pioche était mon alliée. Elle a bien failli avoir raison de ma vie. Les miracles existent et il ne s’est rien passé. Juste un évanouissement, deux genoux en compote, une énorme peur rétrospective et un mari hurlant au lieu de me consoler. Sa manifestation de la trouille qu’il avait eu lui aussi à me voir catapultée sur du béton par une pioche qui aurait du m’éventrer.
 
Mais non, le lâcher prise n’est pas pour moi, toutes sortes de pensées m’assaillent, mon âme n’est jamais en paix, jamais un moment de vide. Parfois, j’aimerais souffrir de la maladie d’Alzheimer, patience elle viendra peut-être même si mon pauvre cerveau mouline en permanence, telle une éolienne mue par le vent, si je m’occupe sans fin. Impossible de regarder la télé, sans un sudoku, un jeu sur la DS, un majhong, un tricot, un puzzle,
autour du canapé il y a toujours une activité à portée de main.
Des fois pire, mon Mac est là prêt à recueillir mes délires prétentieux d’écriture. J’aimerais ne plus penser, ne plus me tourmenter, ne plus chercher le pourquoi du comment, du pourquoi.
Une forme de tourment permanent, complice de chaque instant de ma vie. Il n’y a qu’en présence de mon chien, ou d’une fleur  que je suis libre, qu’un peu de sérénité se manifeste. Pourtant je ne suis pas pire qu’une autre. Que de complexes ai-je accumulée en ces décennies. Une main ne suffit plus depuis longtemps. Traumatisme d’enfance. Une mère aimante, sans doute, incapable de le manifester suite à une éducation ratée par procuration.
Et puis, dans ces délires, d’un coup me monte à l’esprit, mon statut social : retraitée !
car il s'agit bien d'un statut social qui annihile qui tu es vraiment et te propulse dans une catégorie dont il n'y aucune échappatoire possible. 
Retraitée de quoi, de qui ? Ai-je fait quelque chose de répréhensible pour avoir été mise en retraite. Je suis au rebut ! au rebut de la société dite active.
Mais, qui se permet de me juger ainsi. Je ne suis pas en retraite. Je n’ai pas choisi d’être en retraite. Je rentrais dans la grille : 60 ans, tous ses trimestres, invalidité. Tu n’as pas ton mot à dire : tu seras retraitée.
C’est ainsi. Il faut reprendre goût à la vie après quasiment 10 ans de dépression nerveuse, avec reprise d’activité, entre deux rechutes. A  chaque fois ton espace vital se restreint. Lorsque je suis revenue pour la dernière fois au bureau, mon bureau avait subi l’effet peau de chagrin. J’étais confinée dans un petit local, dans un angle avec des poteaux agressifs, loin du Feng Shui !!! Une grande partie de mes « affaires » avaient disparu. Je n’ai jamais retrouvé des tableaux qui m’étaient personnels et qui égayaient mon bureau.
D’ailleurs, cette dernière fois, il y avait quelqu’un que je ne connaissais pas assis à mon bureau. Je venais pour vider mes placards. Tous ces budgets, toutes ces procédures, pouf, poubelle.
Je voulais aussi récupérer mes petits biens, mon mug, mes photos, une règle en bois qui m’avait été léguée par la personne que j’avais remplacée. Cette règle en bois, est là à côté de moi comme un souvenir très cher. Elle m’a suivie depuis 1968 !! une vraie complicité nous unit.
Elle fréquente, une règle en fer, celle d’institutrice de maman. Non elle ne tapait pas ses élèves avec !!! Elle lui servait à tirer de jolis traits sur ces superbes cahiers de préparation de cours. Papa avait gravé son nom en creux, tout en majuscules : MADAME . M . xxxxx. Pourquoi le point après madame ? je ne le saurai jamais. Je suis persuadée que ces 2 coquines, lorsque j’ai quitté mon bureau doivent se raconter des secrets dans la solitude de la nuit. Une nuit je viendrai sur la pointe des pieds les écouter.
En attendant, je suis retraitée à vie, enfin jusqu’ à la mort. Maigre consolation, le réveil ne sonne plus aux petites aubes et au cinéma le prix des places est un peu moins cher pour les seniors. Et surtout je peux participer à mon atelier d’écriture, lui qui me fait directement et indirectement tant de bien. Alors tant pis, je vais faire avec et je souhaite que cela dure très longtemps pour me permettre d’écrire, de partager, de découvrir, d’apprendre encore et de rire le plus souvent possible.
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Tag(s) : #pastilles de vie
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