la cerise

Elle se balançait dans le cerisier agité par le vent.

Elle avait la nausée en observant le jardin en bas.

Sur la terrasse des signes étranges : 1-2-3-4 tracés dans des cases rectangulaires.

Célia et Zoé riaient, papotaient en sautant à cloche-pied et en poussant, de la pointe de leurs sandalettes, un petit caillou plat du 1 au 2 puis au 3, ainsi de suite jusqu'au mot C.I.E.L. quel joli mot pensait-elle !

Miss Reverchon, star du verger, accrochée à son pédoncule voulait faire pareil, et boire les paroles des petites filles joyeuses.

Sa soif de liberté n'était pas liée à un rituel,

elle voulait faire comme elle et jouer à la marelle

rêvant d'une vie formidable le trop bref temps de son été.

Par contre, elle ne voulait pas : se retrouver mélangée à d'autres dans une couronne posée sur la tête de quelqu'un qui sentirait la transpiration

Et surtout, elle détestait l'idée, que le maître des lieux vienne la cueillir de ses mains rugueuses et ne touche à sa peau de porcelaine fine

Diantre comment faire pour se décrocher, de cette p…, pardon, de cette fichue branche ?

Elle était désespérée.

Il faudrait faire vite, pourtant, parce que sa vie ne durerait que quelques jours, avant qu'elle ne soit picorée par un de ces maudits merles ou corbeaux qui attendaient en rodant qu'elle soit mure tel un bonbon de sucre, ou pire, qu'elle finisse comme ses copines gisant, le noyau fendu, explosées en plein vol, rougissant de leur chair délicate le sol du jardin en petits tas gluants.

Elle pensait… c'était une cerise qui pensait.

Elle trouverait, elle le savait.

Encore un peu de patience. Pour l'heure la brise légère la berçait et elle n'aimait pas du tout cette sensation de flottement incertain au crépuscule naissant.

Demain serait bien…elle avait confiance en sa bonne étoile.

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