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Est-ce son histoire ?

Est-ce sa vie rêvée ?

Elle se souvient.

Elle se souvient ?

Elle ne sait plus très bien, tant de temps a passé,

Ses cheveux sont d'argent,

Son visage fatigué,

Sa démarche moins sûre.

C'était ? c'était hier,

Les contours sont si flous

Et si ce n'était pas un rêve.

Elle se souvient : l'oiseau ?

Quel oiseau ?

Mais oui, lui ! rien que lui !

"son petit oiseau"

Il sautillait,

Il dansait

Il chantait

Lui, là-bas, elle ici, ou le contraire, c'est selon !

A l'unisson de la musique qu'ils partageaient malgré la distance.

 

Elle criait dans la nuit la colère de la séparation, son manque de lui,

de ses bras, de ses lèvres.

Elle avait mal, si mal

Elle hurlait qu'il était son oxygène,

qu'elle étouffait loin de lui.

 

Trop jeunes pour s'échapper

Trop jeunes pour s'épouser

Plus tard…

Deux oisillons qui piaillaient à l'unisson.

 

Les autres ne comprenaient pas.

 

Les mobiles n'existaient pas.

Aller chez la voisine, composer le numéro magique : "27068"

Elle n'a pas oublié

Elle n'oubliera jamais

Se laisser bercer par ses paroles qui grésillaient à l’autre bout du lourd combiné de bakélite noire.

Rares moments dont elle revenait folle enivrée de sa voix.

Ses paroles incrustées dans ses oreilles,

pendant des jours elle les entendrait, elle les répèterait,

surtout avant de s'endormir.

pendant des jours…

chaque jour... un peu plus assourdies

chaque jour… un peu plus inaudibles

 

Inlassablement, chaque jour elle guettait le courrier.

La première devant la boîte à lettres, à l'heure du facteur,

c'était avant internet, une autre époque.

La précieuse enveloppe dans ses mains, elle se réfugiait au fond de son lit, l'ouvrait fébrilement et lisait chaque mot, chaque parole jusqu'à l'ivresse folle.

Elle s'envolait vers lui, le cœur chamboulé, le cœur inquiet,

elle s'émerveillait des mots ou s'agaçait, de ses maladresses, des faux amis qui la faisait sourire.

Sa petite écriture serrée et sautillante, maladroite en français

au fil du temps, de plus en plus précise

Sa petite écriture qui la faisait chavirer.

Là, juste au creux de l'estomac

La boule est encore présente,

Enfin c'est ce qu'elle croit.

 

Elle imaginait son bureau de bois blond,

la triste lampe grise sur le plateau de verre,

Celentano ou Tenco sur le tourne-disque pour l'accompagner

Ses photos dans le tiroir, celui à droite, près de sa main

Elle l'imaginait choisissant la plume pour écrire les mots,

Elle imaginait ses mains caressant le papier,

Elle imaginait un rayon de lune traversant les persiennes mi-closes

 

Les enveloppes, chacune numérotée, sont encore…

chut ! c'est un secret,

elle ne le dira pas.

Dans un tiroir ? Dans une armoire ? : "c'est froid"

dans une boîte ? : "c'est chaud"

dans son cœur ? : c'est chaud bouillant

 

Elles ont le goût du passé, l'odeur du café, de la pasta de la mamma et du parmesan qui se disputaient les parfums dans la cuisine, avec son parfum à lui, un bois de santal, qui l'envoutait.

 

Un jour, ils se sont retrouvés pour ne plus se quitter.

Il y a si longtemps, c'était il y a des siècles,

Un mois de mai, ils se sont dits "oui" à Paris.

Puis, ont récidivé, pour magnifier leur amour, dans ce refuge unique de Saint François.

Au creux de la montagne,

Les oiseaux pour témoins

Trilles et pépiements dans la forêt

Trio de cordes à l'instant du "SI" qui les unirait pour toujours.

 

Quand elle l'appelle, c'est pour savoir s'il est dans le train, ou s’il a acheté du pain, choses banales d'une vie éculée

Quand il l'appelle… c'est quand ?

Il reste ses mains, plus aussi fines, usées par les travaux et les ans de sa vie

Il reste des miettes, il reste des souvenirs. Leurs yeux ne pétillent plus autant.

Il ne sautille plus. Sa démarche est plus lente.

Malgré tout que les souvenirs sont beaux lorsque paupières closes

Elle pense à leur hier, à leurs attentes, à leurs pleurs, à leurs rires,

à leur amour si puissant.

 

Elle se réveille. Ce n'était pas un rêve.

Il est là, à ses côtés dans le grand lit, elle entend son souffle calme dans la nuit apaisée.

Son petit oiseau ! Comme il a changé ! On dirait plutôt un vieux merle sur le retour le plumage, grisonnant et clairsemé, le visage sur lequel les rides sont venues.

Elle le regarde en souriant, lui prend la main doucement pour ne pas le réveiller.

Elle repense à la grande boîte au ruban rouge, qu'elle ouvre les jours de doutes, et qu' elle choisit une lettre pour revivre, son bonheur, sa tristesse et ses mots d'amour enflammés.

Elle connaît le moindre mot par cœur, elle rougit toujours, elle n'a rien oublié, l'émotion est intacte.

La vie ne repasse pas, alors, main dans la main, continuons le chemin. Elle pose sa tête sur son épaule et se rendort en rêvant à hier, à demain, à lui et encore à lui.

=====

 

les trilles de l'oiseau

2ème texte du 4ème APPEL A ECRITURES DES CONTES DU JOUR ET DE LA NUIT (Véronique Sauger) - France Musique -

voir : le refuge et le silence

Tag(s) : #Contes du jour et de la nuit (VS)
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